7 septembre 2017 - 00:00
Démolition sans consultation
Par: Le Courrier

Le jeudi 24 août a eu lieu la dernière audience à la Régie du logement portant sur l’opposition à la démolition des immeubles au coin des rues Mondor et Marguerite- Bourgeoys. Puisque la locataire ayant initié le recours juridique a quitté les lieux, la régisseuse a statué qu’il n’y avait plus d’objet et a donc fermé le dossier.
Par contre, cette dernière a dit (et redit) que l’avis d’éviction pour changement d’affectation était nul. Ceci pour deux raisons : primo, cet avis a été envoyé par le propriétaire de l’époque qui n’avait aucune intention, comme il l’a reconnu lors de son interrogatoire à deux reprises, de changer l’affectation du logement. Secondo, cet avis était un avis d’éviction pour « changement d’affectation » et non un avis pour « démolition ».
Le Comité Logemen’mêle tient à informer la population que tout locataire doit recevoir le bon avis en lien avec la situation qui prévaut pour être en mesure d’en apprécier la teneur et de prendre une décision libre et éclairée. Or, 10 familles ont quitté les lieux à la suite de la réception de cet avis sans pour autant contester la réelle légitimité de l’avis passé par l’ancien propriétaire. Quelques-uns auront quitté beaucoup plus tôt que d’autres, et ce, sans profiter d’une compensation. Si la onzième locataire s’opposant à la démolition n’avait pas subi de pression de part et d’autre afin de quitter son logement, aucune démolition ne pourrait avoir lieu aujourd’hui, puisque l’avis d’éviction pour changement d’affectation aurait été, en pratique, rejeté. Onze ménages ont donc été mis à la porte de leur logement sur un avis d’éviction pour changement d’affectation nul envoyé par les propriétaires de l’époque… Il incombe aux citoyens et à toutes les instances d’opérer dans le respect des lois au Québec, ce qui ne fut pas le cas en l’espèce.
Le Comité Logemen’mêle s’est donc « mêlé » de cette affaire à cause de cet accroc dans l’avis d’éviction. Toutefois, nous souhaitons réitérer aux Maskoutains que vivre une éviction dépasse largement le contexte légal; il y a aussi l’humain, le citoyen, le payeur de taxes qu’il soit ou non propriétaire qui se fait mettre à la porte de son logis, de son quartier, de son espace privé.
On extirpe ainsi des gens, on les insécurise pendant des mois précédant la découverte d’un nouveau logement après ce qui aura été pour certains beaucoup de recherche et d’inquiétudes. Ce nouveau logement ne répondra probablement pas à leurs attentes ni à leur budget. On leur demandera de se réadapter machinalement à un tout nouvel environnement. On les déplace et replace ailleurs comme dans un jeu de domino; comme des pièces interchangeables…
Dans les derniers mois, nous avons vu bien des locataires déprimés et dépassés arriver dans nos bureaux voulant tout faire pour préserver leur logement dans des cas de reprises, d’évictions ou autres et jusqu’à offrir volontairement plus de 100 $ de plus par mois à leur propriétaire afin de ne pas quitter le quartier où ils ont vécu leur vie, où ils ont leurs habitudes, leurs épiciers, leurs pharmaciens, leurs bons et moins bons voisins.Toutes ces petites choses qui confortent et sécurisent la majorité d’entre nous, on en conviendra! Les évincés et les expropriés sont des citoyens déracinés et contraints de se faire une nouvelle vie bien malgré eux. Qui plus est, il semble qu’au « progrès » proposé nous toucherons de front les citoyens les plus vulnérables de la communauté, particulièrement les gens âgés, plus fragiles, qui vivent ces événements beaucoup plus brutalement que les autres. Il faut un visage et des approches humaines afin d’envisager le changement urbain à Saint-Hyacinthe. À titre d’organisme en défense des droits, nous tenterons de notre mieux d’y veiller.
Qu’une ville exproprie, évince des locataires ou des propriétaires dans le but de faire uniquement du stationnement afin de palier à celui qu’il vend à un promoteur immobilier dépasse l’entendement de plusieurs. De plus, on offre à ce promoteur une place privilégiée; un endroit opportun afin d’y loger locataires et propriétaires bien nantis.
Quand les citoyens reçoivent à grands coups de communiqués les plans des projets à venir pour leur quartier de la part des autorités municipales sans que ceux-ci ne s’inquiètent de l’opinion, d’une façon ou d’une autre, de ceux et celles qui vivent dans ces quartiers et qui les ont placés au pouvoir, il est nettement louable de se questionner sur les motivations et l’éthique qui entraînent cette façon de concevoir la démocratie municipale maskoutaine! Le « culte du moi », le pouvoir, la prétention de vouloir faire une saine gestion et la croissance économique doivent-ils être les seules valeurs sur lesquelles nous souhaitons bâtir un dynamisme local et une réelle identité à cette ville? Une ville vidée de ses citoyens, étouffée par du béton et de l’acier, est-ce concevable?
Donc, plusieurs questions demeurent en suspens. D’après la nouvelle loi 122, la municipalité doit, si une demande de requalification s’est faite avant son adoption, toujours tenir un référendum afin de requalifier en « stationnement » la zone ou les trois immeubles de la rue Marguerite-Bourgeoys sont situés présentement. De plus, si la ville passe outre ses obligations de se soumettre à un référendum, toujours d’après la nouvelle loi 122 (article 85,6) : « Toute municipalité qui souhaite se prévaloir du pouvoir prévu à l’article 85,5 doit avoir adopté une politique d’information et de consultation… ». La municipalité doit donc, lors de la requalification d’une zone, consulter les citoyens et au préalable elle doit se doter d’une politique de consultation dont les bases ne sont toujours pas déterminées par le ministre qui a adopté la loi… Ceci constitue un enjeu à moyen terme pour nous.
À plus court terme, la Ville va-t-elle outrepasser le droit des citoyens de se prononcer avant la démolition de ces immeubles ou mettra-t-elle la population devant un fait accompli pour annihiler toute forme de protestation et d’opposition?

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