26 octobre 2017 - 00:00
La difficile instauration de l’heure avancée à Saint-Hyacinthe (1)
Par: Le Courrier
La gare des Comtés-Unis au coin des rues Dessaulles et Desaulniers, durant les années 1910, Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH085.

La gare des Comtés-Unis au coin des rues Dessaulles et Desaulniers, durant les années 1910, Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH085.

La gare des Comtés-Unis au coin des rues Dessaulles et Desaulniers, durant les années 1910, Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH085.

La gare des Comtés-Unis au coin des rues Dessaulles et Desaulniers, durant les années 1910, Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH085.

L’idée d’instaurer l’heure avancée à l’approche de la saison estivale, ainsi que celle relative à l’application de l’heure normale selon 24 fuseaux horaires, remonte à la fin du XIXe siècle. Selon l’historien Jarrett Rudy : « Ce vaste processus de normalisation de l’heure a souvent été considéré comme un jalon essentiel de la modernité, marquant le moment où, pour comprendre le temps et régler ses horloges, le monde occidental s’est détourné de l’autorité de Dieu et de la nature pour accepter à la place l’autorité de la science et des puissantes institutions laïques ».


Une mesure qui ne sert que les plus riches!
Plusieurs arguments contre l’instauration de l’heure d’été sont soutenus par les autorités cléricales de l’époque. L’un des plus répandus concerne l’iniquité des bénéfices retirés de cette mesure. Ainsi, l’avance de l’heure ne servirait qu’une minorité nantie qui utiliserait cette heure supplémentaire de lumière naturelle pour s’adonner à des « loisirs immoraux ».
Une autre rhétorique utilisée par le clergé est celle de confronter nature et modernité, c’est-à-dire heure solaire et heure avancée. L’historien Rudy explique que l’objection catholique adopte la : « position antimoderne [qui] affirmait que l’heure avancée marquait le rejet d’un ordre temporel vieux de 6 000 ans créé par Dieu ».
La promotion de l’heure avancée se fait quant à elle par l’entremise d’industriels qui y voient plusieurs bénéfices pour leur entreprise et pour la population. Les arguments énoncés sont essentiellement ceux que nous retrouvions alors dans un pamphlet publié en 1907 par William Willett, intitulé « The Waste of Daylight ». Cet entrepreneur britannique veut promouvoir l’idée de l’avance de l’heure dans tout le monde occidental.
Willett y détaille trois bénéfices apportés par cette mesure. D’abord, les travailleurs auraient plus de temps après leur journée d’ouvrage pour pratiquer des activités respectables, comme jouer avec les enfants. La présence du soleil après les heures de travail permettrait également de passer plus de temps à l’extérieur, une pratique considérée comme bonne pour la santé. L’ultime bénéfice resterait toutefois celui de l’économie d’énergie. En profitant plus longuement de la lumière naturelle, les municipalités et les industries diminueraient les dépenses encourues par l’éclairage électrique.
« L’heure de Borden »
C’est durant la Première Guerre mondiale que le gouvernement unioniste de Robert Borden adopte une loi instaurant l’heure avancée à l’ensemble des provinces du Canada. Soulignons cependant qu’au Québec, comme dans le reste du pays, plusieurs députés des régions rurales « ont mis de côté leur opposition et ont soutenu la mesure pour contribuer à l’effort de guerre ». Appelée « l’heure de Borden » par ses détracteurs, l’heure avancée contraint la population à modifier ses habitudes de vie durant la mise en application de la loi.
C’est donc à 2 heures, le matin du dimanche 14 avril 1918, que les horloges du pays doivent être ajustées à l’heure d’été. À Saint-Hyacinthe, les journalistes du Courrier rapportent un évènement surprenant qui se produit chez une famille de La Providence : « Samedi soir, au souper, causant avec son maître, sa maîtresse de pension et leur fille, il leur demanda de vouloir bien l’éveiller, le lendemain matin, assez tôt pour prendre le train de huit heures, ce à quoi tous trois s’engagèrent. Et monsieur comme la chose lui arrive de temps à autre, s’en vint veiller en ville ».
Pendant la soirée, les trois membres de la famille avancent, à tour de rôle et sans se consulter, l’heure de l’horloge située dans la chambre du pensionnaire. Ce n’est que lorsque le pensionnaire arrive à la gare le lendemain matin qu’il constate qu’il n’est seulement que 5 heures. L’option de retourner à La Providence ne l’intéresse pas. Il préfère plutôt s’assoupir sur une banquette. « Tout à coup, un homme de police arrive et […] lui dit : prenez-vous le train de huit heures? Oui monsieur. Eh bien, il est parti. Notre ami avait oublié de changer l’heure de sa propre montre ».
Les députés ruraux, qui s’étaient préalablement opposés à l’heure avancée, continuent leurs pressions après la fin du conflit mondial. En 1919, ils font abolir cette mesure qu’ils jugent inappropriée.

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