14 février 2019 - 10:56
Projet de loi 2 - Loi resserrant l’encadrement du cannabis
Souplesse demandée au gouvernement
Par: Le Courrier
Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, nous désirons par la présente vous faire part de la position de notre organisme relativement au projet de loi 2 que vous avez déposé le 5 décembre 2018 à l’Assemblée nationale du Québec, Loi resserrant l’encadrement du cannabis.

L’ACEF Montérégie-est est un organisme communautaire de la Montérégie, œuvrant dans la défense des droits des consommateurs. Notre organisme a été fondé en 1974 à Granby. Il couvre aujourd’hui toute la Montérégie-est, qui comprend les localités suivantes : Granby, Saint-Hyacinthe, Sorel-Tracy, Acton Vale, le secteur de Rouville (Marieville, Saint-Césaire et Rougemont) et le secteur de Brome-Missisquoi (Bromont, Farnham et Cowansville). Nous desservons une population de près de 350 000 personnes.

Depuis une quinzaine d’années, nous avons ajouté à nos services la défense des droits des locataires. Nous recevons donc dans nos bureaux des locataires qui sont aux prises avec différentes problématiques liés à leur logement : relations avec leurs propriétaires, insalubrité de leur logement, relations avec les autres locataires, hausses de loyer, etc. Ce service est offert sur la majeure partie de notre territoire et va de pair avec la défense des droits des consommateurs puisque le logement occupe une part importante du budget familial.

Le projet de loi 2 vise à resserrer l’encadrement du cannabis, déjà adopté par le précédent gouvernement. Il a principalement les objectifs suivants :

  • Hausser à 21 ans l’âge minimal pour acheter, posséder et consommer du cannabis;
  • Resserrer les règles en matière de possession de cannabis dans les établissements d’enseignement collégial et universitaire;
  • Restreindre l’usage du cannabis (fumer) dans les lieux publics tels que les voies publiques, terrains des lieux fermés, parcs, etc.

Le cannabis et les locataires

Ce projet de loi aura un impact non négligeable auprès des locataires. Il faut d’abord rappeler que de nombreux propriétaires interdisent l’usage du cannabis à l’intérieur de leurs immeubles afin de maintenir une bonne qualité de vie à leurs locataires, surtout ceux qui ne fument pas.

D’ailleurs, la présente loi encadrant le cannabis permettait aux propriétaires de modifier unilatéralement leurs baux afin d’y ajouter une clause pour interdire de fumer du cannabis. Ceux-ci avaient jusqu’au 17 janvier pour le faire. Il est permis de penser que plusieurs propriétaires se sont prévalus de cette disposition de la loi. Sinon, on peut aussi penser que plusieurs autres profiteront du renouvellement de leurs baux, au 1er juillet, pour ajouter une telle clause.

Notre position envers le cannabis

Par son travail d’organisme de défense des droits, l’ACEF Montérégie-est est à même de constater les difficultés que vivent les locataires face à bon nombre de problématiques qu’ils peuvent vivre. Dans la plupart de ces cas, nous jonglons toujours avec les principes de libertés individuelles et de respect de chaque individu avec les droits et obligations de chacune des parties.

Notre organisme défend et défendra toujours le principe que chaque citoyen a droit à un logement en bon état, habitable, propre et sécuritaire ainsi qu’à une jouissance paisible des lieux. Dans cette optique, nous défendrons toujours le droit pour un locataire d’avoir accès à un logement sans devoir subir d’inconvénients venant des autres locataires. Pour chaque citoyen, le logement – que ce soit un logement, une chambre ou une maison – demeure le seul lieu intime que nous avons.

Une législation trop restrictive

En légalisant l’usage du cannabis, le gouvernement du Canada confie le pouvoir aux provinces et aux municipalités de légiférer pour en restreindre son usage. En effet, il est normal pour un gouvernement ou une municipalité de circonscrire certains usages dans un objectif de protection de la population ou de santé publique.

Toutefois, nous estimons que votre projet est trop restrictif en voulant interdire l’usage du cannabis sur les voies publiques (rues, trottoirs) ainsi que dans les lieux publics tels que les parcs ou terrains de jeu.

Nous sommes d’avis que l’État doit permettre des lieux aux fumeurs afin de pouvoir s’adonner à cette activité. Selon votre projet de loi, un fumeur qui habite un immeuble qui interdit l’usage du cannabis disposerait de très peu de lieux possibles pour le faire. En ce sens, votre gouvernement interdirait pratiquement l’usage du cannabis alors que celui-ci est pourtant légalisé par un autre État, le gouvernement du Canada.

Advenant une telle situation, bien des fumeurs choisiraient quand même de fumer dans leur logement, même si cela leur est interdit. Il faut préciser que les propriétaires ont des recours plutôt limités pour faire observer leur interdiction. Ils disposent aussi de peu de moyens pour faire observer cette interdiction. On imagine facilement les conséquences que cela entraînerait dans les relations – et le climat social – entre les locataires fumeurs et non fumeurs d’un même immeuble. On peut aussi imaginer que la Régie du logement recevrait un nombre accru de plaintes sur le cannabis, ce qui alourdirait encore davantage les délais déjà importants pour entendre ce genre de dossiers.

L’ACEF Montérégie-est est cependant d’accord avec une partie du projet de loi, où l’usage du cannabis serait interdit dans les lieux suivants :

  • les abribus;
  • les tentes, chapiteaux et installations fermées qui accueillent le public;
  • les terrasses et autres aires extérieures exploitées dans le cadre d’une activité commerciale pour y permettre le repos, la détente ou la consommation de produits;
  • les lieux extérieurs consacrés aux sports et où se trouvent des enfants, incluant les camps de jour et de vacances.

De fait, nous croyons que la réglementation québécoise sur le cannabis devrait s’arrimer avec celle régissant le tabac (Loi concernant la lutte contre le tabagisme), dont l’objectif est de protéger les non-fumeurs, plus particulièrement les enfants.

L’ACEF Montérégie-est défend le droit pour chaque citoyen de bénéficier d’un logement en bon état, habitable, propre et sécuritaire. Face à l’usage du cannabis, nous croyons que l’État doit restreindre cet usage, tout en accordant aux utilisateurs la possibilité de s’adonner à cette activité, et ce, en toute légalité. Cette restriction doit se baser sur des critères liés à la santé publique, notamment à l’égard des enfants.

C’est pourquoi nous croyons que votre législation est trop restrictive en interdisant de fumer du cannabis dans les voies publiques (rues, trottoirs et parcs). Nous souhaitons donc que cet aspect soit retiré de votre projet de loi.

ACEF Montérégie-est

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