24 avril 2014 - 00:00
60 000 habitants à Saint-Hyacinthe : où et comment?
Par: Le Courrier
Où?

La récente énoncée de l’administration municipale par le biais du maire Claude Corbeil de viser l’objectif de 60 000 habitants d’ici 2020 dans la ville est selon moi tout à fait réaliste.

N’empêche, il n’en demeure pas moins que l’ambition suscite de nombreuses questions sur la manière dont on compte loger ces quelque 5 000 personnes supplémentaires et de l’allure qu’aura le paysage urbain de la ville ensuite.Parce que l’enjeu relève largement davantage de la qualité de l’aménagement et de la planification que d’une simple opération de mise en marché de notre milieu. Alors que l’accroissement de l’étalement dans la région métropolitaine de Montréal connaît actuellement ses heures de gloire, on aurait pu croire que La Jolie aurait su profiter de cet élan et déjà avoir atteint de fameux chiffre magique de 60 000 résidents comme l’ont fait Drummondville et Granby durant cette période. Pourquoi n’est-ce donc pas le cas? C’est que Saint-Hyacinthe est assez déroutante dans ses décisions d’aménagement lorsqu’on la prend d’une perspective extérieure.En voici quelques exemples :Au fil des ans, on a décidé de placer notre plus grand parc en bordure de l’autoroute côte à côte avec une zone industrielle à incidences sur l’environnement et de conserver le site d’une des plus grandes foires agricoles en Amérique du Nord au coeur de la ville, au pied de l’hôpital où des gens tentent tous les jours de retrouver la santé. L’inverse aurait certainement été plus logique. On a aussi décidé de faire une voie de contournement de la ville par le sud afin de faciliter la circulation à ceux qui n’y ont pas à faire, mais on construit massivement condos, maisons en rangée et dos d’âne pour assurer la sécurité des résidents et des enfants qui ralentissent la vitesse de circulation. On contourne quoi finalement en passant par des Seigneurs?On tente par tous les moyens d’attirer de nouvelles familles, mais une fois les enfants plus vieux, ils n’ont d’autre choix que de s’expatrier pour les études vers les grands centres d’où leurs parents viennent, car aucun service de transport en commun rapide ne leur permet de franchir cette distance raisonnable matin et soir. Alors, la plupart du temps, ils déménagent, se trouvent du boulot ailleurs avant d’y fonder une famille. Le cycle est donc à refaire. Je trouve que c’est énormément d’énergie dépensée pour se tirer dans le pied à chaque fois.

Où?

Actuellement, d’autres projets sont annoncés ou encore en cours de route. Pensons au développement de la zone entourant le boulevard Casavant à Douville ou au subtil, mais constant prolongement de la rue des Seigneurs qui, lentement, mais sûrement continue de gruger les terres agricoles à La Providence jusqu’on ne sait où.

Le dernier plan d’urbanisme de la ville, adopté en 2010, parlait de son côté d’assurer le développement domiciliaire de la ville par la revitalisation des quartiers en déclin tels que Notre-Dame, le centre-ville et le noyau villageois de La Providence (axe Saint-Charles et Bourdages). Quatre ans déjà et aucun plan concret de relance ne nous a été présenté pour ces quartiers qui présentent pourtant des opportunités peu dispendieuses pour la Ville d’atteindre l’objectif que s’est fixé le conseil.

Comment?

La Ville doit prendre des décisions qui ne plairont pas à priori aux promoteurs de la région, habitués de faire pousser des unités de logement là où on avait toujours cultivé du maïs et des patates. Mais ne soyons pas de mauvaise foi, peut-être aussi qu’eux n’y voient pas de potentiel dans l’état des choses pour le moment.

C’est vrai que lorsqu’on voit les conditions sur la promenade Gérard-Côté, c’est difficile de vanter la qualité des espaces verts à un couple intéressé par un condo à 200 000 $. La Ville rétorquera à mon point que l’argent de cette réfection ne pousse pas dans les arbres. Et si on inversait le raisonnement à la place? Si effectivement, nous prenions les millions que la Ville dégage depuis plus de cinq ans des surplus budgétaires pour la réinvestir dans nos milieux. Quand autrement aurions-nous alors ces moyens? Franchement, ce n’est pas une question de moyens, mais de volonté. La Ville doit concentrer ses énergies à mettre en place les conditions nécessaires aux investissements privés qui feront d’une pierre deux coups en relançant des quartiers en dévitalisation tout en remplissant l’objectif de 60 000 habitants d’ici 2020 et deux moyens doivent être pris : circonscrire la zone d’urbanisation sévèrement en excluant des secteurs périphériques où on ne doit plus attribuer de permis de construire; repenser les milieux à revitaliser afin d’offrir des opportunités d’investissement rentables pour les promoteurs et ainsi rentabiliser l’investissement fait pour leur relance; élaborer et mettre en place un plan de transport en commun et actif qui améliorera la qualité de la circulation en milieu urbain.Plusieurs services de l’administration doivent être pris en compte et les coûts de cette planification doivent être contrôlés. Par exemple, l’arrondissement Montréal-Nord a bien compris cet enjeu et afin d’éviter de fonctionner en silo et d’économiser des charges administratives, plusieurs des services, dont le service de l’urbanisme, ont été fusionnés en un seul. Ainsi les dossiers cheminent en étant consultés parfois par un urbaniste chargé du développement commercial, d’autres fois par un agent de développement économique chargé de recueillir les suggestions d’aménagement d’un pôle d’emplois faites par les entrepreneurs. De cette manière, l’arrondissement s’assure d’avoir suffisamment de ressources pour réunir un nombre nécessaire d’experts de domaines complémentaires au sein d’un même bureau chargé de son développement.Le défi est grand, mais la question de la pérennité du développement de Saint-Hyacinthe était nécessaire d’être posée par le conseil de ville.Gérer l’ensemble des activités d’urbanisation conjointement, qu’elles soient industrielles, résidentielles, commerciales ou autres n’est pas une mince tâche, car tout doit s’arrimer harmonieusement et durablement.

Cédric Meunier, finissant au baccalauréat en urbanisme.

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