8 juin 2017 - 00:00
À la recherche d’une ville de rêve
Par: Le Courrier

Je suis née à Saint-Hyacinthe de parents montréalais venus s’y établir pour travailler chez Intact Assurance alias ING, alias le Groupe Commerce. Lorsque je suis partie étudier, j’étais bien déterminée à trouver d’autres horizons correspondant davantage à ma vision d’une ville ouverte, évolutive, accueillante et dynamique. Le destin a voulu qu’un emploi m’y ramène il y a 35 ans et j’y suis toujours avec maison, mari et amis. J’ai donc connu la ville au début des années cinquante et je la fréquente depuis assidûment, car je profite du marché, des espaces verts, des loisirs, de la bibliothèque, des services, etc. 

Cependant, je n’ai toujours pas trouvé ma ville de rêve! Je constate bien sûr une certaine évolution depuis toutes ces années, mais aussi l’écart entre ce à quoi j’aspire et la réalité maskoutaine. Nulle ville n’est parfaite, aussi me suis-je dit que j’allais m’impliquer pour contribuer de façon constructive à combler cet écart. J’ai choisi le conseil consultatif d’urbanisme (CCU) comme citoyenne bénévole au moment où il était question de redéfinir le plan d’urbanisme. Après deux mandats (le maximum), soit quatre ans plus tard, le nouveau plan n’était toujours pas adopté. L’urbanisme est la clé pour permettre à une ville de définir une vision à long terme et intégrer les priorités de développement. C’est comme un plan pour construire une maison, un quartier, une ville. Il a bien sûr été adopté par la suite, mais je n’y ai pas trouvé les orientations qui pourraient aujourd’hui guider notre réflexion notamment autour de la pérennité du centre-ville. Ainsi nous n’aurions même pas à débattre de la pertinence d’autoriser une tour de 12 étages ou plus au centre-ville. Imaginez un instant un tel immeuble au bord du Richelieu près du pont dans le vieux Beloeil… Avec un peu de recul, on voit l’incongruité d’une telle possibilité sans parler de la vocation de l’immeuble. Une clientèle ayant une moyenne d’âge de 80 ans, en parfaite autarcie avec tous les services sur place, et nul besoin d’un environnement qui se veut animé, vivant, susceptible d’attirer des événements, des activités, éventuellement du bruit, de la vie en somme! Plusieurs villes modèles ont défini clairement leurs critères pour attirer les projets qui sont susceptibles de concrétiser leur vision alors qu’à Saint-Hyacinthe les loisirs ont la cote avec la plus grosse part budgétaire. Je comprends qu’il en coûte davantage de construire des infrastructures de loisirs (piscine, arénas, bandes cyclables, parcs, etc.), mais il reste que des orientations définies par les loisirs pour structurer une ville… ça donne ce qu’on vit aujourd’hui. Beaucoup d’équipements de loisir c’est bien, mais encore faut-il que ce soit proportionné avec un développement culturel, entrepreneurial, architectural, de transport actif. Et surtout une vision citoyenne et participative! 

Ville ouverte, participation citoyenne

Lors de mon parcours en santé publique où nous tentions d’influencer les villes pour créer des environnements favorables, j’ai eu l’occasion de découvrir des villes qui misent sur la participation citoyenne où aucun projet d’envergure ne laisse les citoyens en berne, au contraire, ils en font partie dès son élaboration comme à Victoriaville. Ces villes se développent avec beaucoup d’idées novatrices. À défaut d’avoir cette vision et des critères précis, ce sont les promoteurs qui définissent les projets et imposent leurs points de vue tant dans le choix des secteurs d’implantation que des besoins et des projets de construction. 

À quelle réflexion sur la dynamisation du centre-ville les citoyens ont-ils été conviés? La démolition de l’ancienne usine ET Corset, fruit de la persévérance d’un promoteur, le centre des congrès payé et donné à même nos taxes à un autre promoteur et le projet de Réseau Sélection au centre-ville sont des exemples récents de cette distance du conseil et de la ville avec les citoyens. Le débat n’a souvent lieu que lorsque les décisions ont été prises et les gens qui questionnent sont considérés comme des « récalcitrants ». 

Se parler, le début d’un grand projet

Le grand mot « consultation » est lâché. Cependant, il couvre bien des réalités. Déjà qu’à la demande des municipalités, le gouvernement s’apprête à annuler les référendums comme mode de consultation citoyenne. Déjà qu’on ne publie plus les avis publics dans les médias locaux. Déjà que les consultations auxquelles j’ai participé étaient à un stade si avancé du projet qu’il n’y avait guère place à une réelle discussion. Déjà que le conseil des « sages » constitué par la ville représente un point de vue de personnes en vue ayant potentiellement un conflit d’intérêts même si, pour avoir lu leurs positions respectives, certains ont fait l’effort de s’élever au-dessus de leurs intérêts particuliers. La prochaine consultation sur la promenade de la rivière est déjà annoncée en « synergie » avec le projet Réseau Sélection!

L’ouverture aux idées et aux citoyens est déjà une culture en soi où les élus ne se vexent pas d’être interpellés par les citoyens ou remis en question surtout s’il s’agit d’un projet collectif qui aura des impacts à long terme sur la vie et l’évolution de la ville. Plusieurs des commentaires que j’ai reçus se résument à cette expression : « on se sent étouffés ici et peu entendus ». Comment expliquer ce sentiment? Est-ce la rigidité de l’administration, la méfiance ou le manque de confiance envers les citoyens ou la crainte que leur « ignorance » d’une juste compréhension des enjeux ne compromette les plans de la ville, une culture de gestion bureaucratique? En disant cela, il n’est pas question de dénigrer les efforts et le dévouement des personnes qui travaillent à la ville, mais bien d’ouvrir un espace de la parole.

Aussi, je nous invite à parler afin que nous nous donnions au moins cet espace de liberté pour offrir une vision d’avenir à notre ville. Il ne s’agit pas de créer un parti ou un mouvement, mais bien d’ouvrir un lieu d’échange. Tout ce qui peut enrichir notre avenir devrait être traité avec respect et pas seulement dans la perspective de l’élection de novembre. Oui, il faut faire confiance aux élus et oui les citoyens ont un rôle à jouer en tout temps.

Ensemble, les citoyens qui souhaitent réfléchir à une vision ouverte et positive de notre ville doivent se lever et prendre la parole afin, bien humblement, de contribuer à définir ce qui nous semble prometteur pour créer cet endroit où on rêve d’habiter et qu’on le choisisse pour des raisons qui nous ressemblent. Saint-Hyacinthe n’a pas beaucoup grossi en termes de population. À peine 150 habitants s’ajoutent de recensement en recensement, toujours autour de 55 000 habitants, un sommet en 50 ans. Aussi, il faudra peut-être renommer le Forum 2020 en Forum 2030 ou 2050 pour atteindre l’objectif de 60 000 habitants. Or, je crois profondément que notre ville mérite qu’on s’y investisse, car elle a beaucoup d’atouts. Ce travail de réflexion serait un cadeau de la part de citoyens qui partagent ce souhait, que la Ville sera libre de recevoir ou non.

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