31 janvier 2013 - 00:00
Cité de la biotechnologie : corporation privée ou OSBL?
Par: Martin Bourassa
Peut-on être à la fois une corporation privée pour éviter de procéder à un appel d'offres public et un organisme sans but lucratif (OSBL) pour éviter de payer des droits de mutation lors de la vente de terrain? Il semble que oui.

C’est du moins la conclusion que suggèrent les récents agissements de la Cité de la biotechnologie de Saint-Hyacinthe pour favoriser l’émergence d’un nouveau bâtiment, le Centre de développement pharmaceutique (CDP).

L’organisme présidé par le maire Bernier a dans un premier temps motivé sa décision de ne pas recourir à un appel d’offres public pour le choix d’un entrepreneur par le fait qu’elle est une corporation privée sans but lucratif; puis dans un second temps, elle a pris les traits d’un organisme sans but lucratif pour permettre à la corporation du centre pharmaceutique de se soustraire à la fameuse taxe de bienvenue (voir autre texte). Le directeur général de la Cité de la biotechnologie, Mario de Tilly, expliquait l’automne dernier au COURRIER que le principal avantage d’être une corporation privée est de ne pas être soumis à « toutes les contraintes » reliées au processus d’appel d’offres public quand le besoin s’en fait sentir.

Le maire s’impatiente

Dans les faits, il n’est pas facile même pour Claude Bernier de démêler les statuts des organismes auxquels il siège ou qui gravitent autour de la Ville.

Interrogé à savoir qu’elle est la différence fondamentale entre une corporation dite privée comme la Cité de la biotechnologie, financée directement par la Ville, et des organismes paramunicipaux comme la Corporation aquatique ou la Société de diffusion des spectacles (SDS), il a été incapable de répondre.« C’est une bonne question », a-t-il spontanément répondu.Puis visiblement agacé, il a accusé l’auteur de ces lignes de chercher des poux où il n’y en a pas et de faire peur inutilement à d’éventuels investisseurs. « Penses-tu réellement que nos aviseurs légaux nous laisseraient contourner les règles ou agir dans l’illégalité? On fonctionne selon les règles, je n’ai aucune inquiétude là-dessus. »Or, ces fameuses règles semblent particulièrement souples, a constaté LE COURRIER.

Deux Cités, un même statut, deux façons de faire

Au registraire des entreprises du Québec, la Cité de la biotechnologie, tout comme le CDP, est enregistrée comme étant une association personnifiée, c’est-à-dire une personne morale sans but lucratif.

À titre d’exemple, la Cité du sport et de la culture de Laval, à qui la Ville de Laval a confié la réalisation de la controversée Place Bell, possède exactement le même statut d’association personnifiée. À la différence près que pour la réalisation du projet de construction d’un amphithéâtre, la Cité lavaloise a procédé par appel d’offres public contrairement à la Cité de la biotechnologie pour son centre pharmaceutique.Localement, la SDS, qui gère le Centre des arts Juliette-Lassonde, et la Corporation aquatique maskoutaine, qui gère le centre aquatique Desjardins, ont exactement la même forme juridique que la Cité de la biotechnologie, soit le statut d’association personnifiée, en vertu de la Loi sur les compagnies partie 3.C’est toutefois la Ville de Saint-Hyacinthe, et non ces corporations apparentées, qui a orchestré la construction du Centre des arts et de la piscine.Et c’est aussi la Ville qui se chargera des appels d’offres pour les travaux d’aménagement intérieur qui devraient être effectués en 2013 au Centre des arts.Suivant cette logique, ne revenait-il pas à la Ville de Saint-Hyacinthe et non à la Cité d’agir en tant que maître d’oeuvre de la construction du Centre de développement pharmaceutique de Saint-Hyacinthe et de diriger un processus d’appels d’offres publics? « Pas forcément, estime M. Bernier. Si je pousse un peu ma réflexion, il n’est pas dit qu’une corporation comme la SDS ne pourrait pas mener elle-même ses projets de construction, à l’image de la Cité de la biotechnologie. Je ne suis pas un spécialiste, mais vite comme ça, cela ne me semble pas impossible du tout. »Reste à voir quelle serait la réaction de la Ville de Saint-Hyacinthe si jamais la SDS déciderait de lancer un appel d’offres sur invitation pour réaliser des travaux qu’elle financerait par un emprunt dans un établissement bancaire. La Ville accepterait-elle de cautionner cet emprunt de la SDS comme elle l’a fait l’automne dernier à la hauteur de 20 M$ (rehaussement de 10 M$) pour la Cité de la biotechnologie? Le maire n’a pas souhaité s’engager plus à fond dans ces spéculations.LE COURRIER a tenté sans succès d’obtenir la charte de fondation et les règlements généraux de la Cité de la biotechnologie afin d’éclaircir son statut officiel. Le maire a refusé carrément de nous les remettre, prétextant le caractère privé de la Cité.Cette dernière opère à l’abri des projecteurs puisque son assemblée générale annuelle n’est pas accessible au public ou aux médias, pas plus que son rapport annuel.LE COURRIER compte donc s’adresser à la Commission d’accès à l’information pour obtenir tous les documents qu’on lui refuse.

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