26 juillet 2012 - 00:00
Pour se battre à armes égales avec Telus et Cogeco
Cooptel veut jouer dans la cour des grands
Par: Le Courrier
La décision du CRTC, entérinée par le cabinet conservateur, de mettre fin au monopole protégé des petites compagnies de téléphone provoque déjà ses premiers effets collatéraux. CoopTel envisage de remettre sa licence d'entreprises titulaires à Valcourt, Roxton Falls et Lawrenceville pour aller jouer dans la cour des grands.

Dans une missive envoyée au CRTC le 12 juillet, CoopTel demande des précisions sur la procédure à suivre afin d’obtenir la révocation de sa licence de « petite entreprise de services locaux titulaires » pour en obtenir une d’« entreprise de services locaux concurrentiels ». Elle pourrait ainsi jouer du coude-à-coude avec les gros joueurs qui souhaitent débarquer sur son territoire, selon les mêmes règles et conditions.

Car dans sa récente décision, le CRTC a ouvert la compétition locale sur le terrain des petites entreprises, sans toutefois imposer aux gros joueurs la même obligation de servir tous les consommateurs, comme elle le fait pour les petites compagnies titulaires. Le CRTC prévoit aussi diminuer les subventions octroyées pour assurer cette desserte obligatoire dans des zones à coûts élevés.Ainsi, CoopTel estime que sa seule chance de demeurer viable à long terme est d’obtenir le même statut que Cogeco et Telus pour se battre à armes égales. Notons que CoopTel possède déjà le titre d’entreprise de services locaux concurrentiels sur les territoires de Saint-Nazaire, d’Acton Vale, de Sainte-Christine, de Sherbrooke et même de Montréal.« Nous croyons que les nouvelles mesures imposées par le Conseil ne sont pas équitables et mettent sérieusement en péril la viabilité de plusieurs petites entreprises, ce qui met aussi en péril l’universalité du service téléphonique en milieu rural », précise le directeur général de CoopTel, Michel Laurent, dans sa lettre au CRTC.Par exemple, sur les territoires dont elle est titulaire, CoopTel compte 5 000 abonnés, dont 3 000 se retrouveraient sans service de téléphonie si la compagnie devait déclarer faillite. « Cogeco a obtenu l’autorisation de venir à Valcourt et à Roxton Falls, mais si nous fermons, nous avons aussi des clients à Lawrenceville, Béthanie, Racine ou Roxton Canton qui se retrouveront sans service. Même chose pour ceux qui sont dans les campagnes de Valcourt et de Roxton Falls, que Cogeco ne souhaite pas servir. Ils devront s’en remettre à des téléphones cellulaires », explique M. Laurent en entrevue au COURRIER.Selui lui, la révocation de la licence de petites entreprises titulaires semble désormais la seule alternative pour assurer la pérennité de l’entreprise et de ses 46 emplois.« Si le Conseil croit fermement au principe d’égalité envers toutes les entreprises de services locaux comme il nous l’a déjà indiqué, alors nous demandons simplement d’être traités d’égal à égal envers Telus et Cogeco. Cela s’inscrit dans la direction que semble vouloir se donner le CRTC à plus long terme, soit un marché de libre concurrence et sans subventions », fait remarquer M. Laurent. Si le scénario envisagé devait se matérialiser, CoopTel renoncerait aux subventions du fonds central qui lui sont allouées, mais elle pourrait établir le tarif de ses services de téléphonie sans aucun regard du CRTC et n’aurait plus l’obligation de servir l’ensemble de ses territoires. La coopérative maintiendrait son réseau déjà en place, mais toute extension additionnelle serait décidée en fonction de sa rentabilité économique, comme le font Cogeco et Telus. « À notre avis, le Conseil ne pourrait pas exiger qu’on demeure une petite entreprise titulaire si CoopTel juge qu’elle n’est plus viable à long terme sous les conditions actuelles », note M. Laurent.La demande de CoopTel soulève aussi d’importantes questions. Selon la décision du CRTC, les grandes entreprises ont obtenu la permission de se raccorder aux réseaux des petites compagnies titulaires aux frais, d’ailleurs, de ces petites compagnies. « Or, s’il n’y a plus d’entreprises titulaires à Valcourt et Roxton Falls, à quelle compagnie pourra se raccorder Cogeco? Et à qui CoopTel devra-t-elle se raccorder? Voilà l’une des questions auxquelles doit répondre le CRTC. »De l’avis de M. Laurent, la missive du 12 juillet a créé un effet de surprise au CRTC. « Tout ceci est nouveau au Canada. Il faut s’adapter, autant eux que nous. Mais selon moi, les 30 autres compagnies canadiennes concernées pourraient emboîter le pas. Quand les subventions vont disparaître, il n’y aura pas beaucoup d’autres options. »Sinon que de déclarer faillite ou de vendre leur fierté locale aux géants des télécommunications.

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