18 juillet 2013 - 00:00
Des phragmites et des abeilles
Par: Le Courrier


Si vous ne connaissez pas encore le phragmite par son nom, vous le croisez très souvent sur votre chemin, car il a envahi les fossés et les champs, en particulier le long des grandes routes.

Le phragmite ou roseau commun n’est pas une plante indigène bien qu’une variété semblable soit encore présente dans quelques rares milieux naturels. Le frère Marie-Victorin décrivait le phragmite en 1952 comme une plante assez peu répandue. Alors, que s’est-il passé? Une partie de l’explication réside dans le fait que le phragmite tolère des taux de salinité élevés. Avec le développement des grands réseaux routiers, où l’épandage de sels est régulier, on comprend qu’il ait proliféré en bordure des routes. Les pratiques agricoles sont aussi en cause, le phragmite étant une véritable pompe qui absorbe les engrais lessivés par les pluies à partir des champs. D’un point de vue subjectif, le phragmite est une plante assez jolie avec ses longues tiges bleu-vert et ses épis rougeâtres qui se balancent au vent à partir de septembre. Alors où est le problème? Le problème, c’est que le phragmite est extrêmement envahissant. Là où il a élu domicile, il remplace pratiquement toutes les autres espèces végétales. Se reproduisant non seulement par les graines, mais également par les rhizomes qui ont une croissance très rapide et adaptable à différents taux d’humidité, il est très difficile à éradiquer. Par conséquent, le phragmite contribue avec les grandes monocultures céréalières à la disparition des prés fleuris dont nos abeilles ont besoin pour fabriquer leur miel. Les prés fleuris sont composés de plusieurs dizaines d’espèces végétales qui poussent en association avec un grand nombre d’espèces d’oiseaux et d’insectes. En d’autres mots, le phragmite contribue à mettre en péril l’existence de nombreuses espèces animales et végétales. Les apiculteurs sonnent l’alarme un peu partout dans le monde pour attirer l’attention du public sur le dépérissement des abeilles. Or, avec les pesticides, le phragmite est certainement l’un des plus importants ennemis des abeilles et autres pollinisateurs. Que fait-on pour combattre le problème? Plusieurs travaux de recherche ont été menés en collaboration, entre autres, avec le ministère des Transports du Québec et des recommandations ont été transmises dans les rapports qui ont suivi. Certaines mesures sont applicables par les municipalités concernées. D’autres sont applicables par des particuliers. Par exemple, on suggère une fauche en août avant l’apparition des graines pour affaiblir la plante et diminuer sa dispersion. Pour limiter l’expansion, on recommande une haie plantée sur deux ou trois rangées avec des conifères qui ont un pouvoir acidifiant sur le sol ainsi que des arbustes tels que le cornouiller et autres plantes indigènes à fleurs. En effet, les points faibles du phragmite sont qu’il tolère mal l’acidité et l’ombre. Tenant compte de toutes ces informations, comment le citoyen ordinaire peut-il contribuer à diminuer les conséquences désastreuses liées à l’envahissement de nos espaces naturels par cette étrangère nuisible à notre flore et notre faune? Nous pouvons faire des pressions auprès de nos municipalités pour qu’elles appliquent les recommandations du ministère des Transports sur le contrôle du phragmite le long de ses routes. Et pour nos abeilles, pourquoi ne pas recréer chez soi sur sa pelouse un espace fleuri en y insérant quelques indigènes à fleurs telles que la verge d’or, le trèfle, l’aster et autres. Il y aura moins d’espace à tondre sur le terrain! On retrouve encore ces belles plantes le long des voies ferrées. On peut aussi en acheter en mélange de graines et recréer une petite prairie sauvage en milieu urbain exempt, bien sûr, d’herbicide et d’insecticide, ce dont nos abeilles ont un urgent besoin… et nous aussi. Références : Le Courrier du Sud, « Gérer le phragmite cette plante envahissante », par Serge Fortier, 14 mars 2013 Transport Québec, Direction de l’environnement et de la recherche, « La prévention de l’envahissement des abords de route par le roseau commun, par Christian Therrien, Juin 2012 Université Laval, prévenir et contrôler l’envahissement des autoroutes par le roseau commun, par Claude Lavoie PhD, biologiste et Yves Bédard, chargé de projet pour le ministère des Transports du Québec, 2011 Le mystère de la disparition des abeilles, documentaire HD, Arte France Galafilm

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