31 mai 2012 - 00:00
Projet de la rue Cascades
Des visions qui s’affrontent
Par: Le Courrier

L'édifice de quatre étages et demi que la firme Arona Construction propose pour remplacer celui qui a brûlé il y a dix ans au coin de l'avenue Saint-Denis et de la rue des Cascades s'intègre mal à la trame architecturale du centre-ville de Saint-Hyacinthe, estime Bernard Lajoie, un spécialiste en patrimoine bâti.

« On pourrait dire que cette bâtisse-là est très belle, si c’était pour un projet dans un quartier neuf. Mais ce style moderne n’a pas sa place dans le quadrilatère du vieux Marché public », soutient-il.

Selon M. Lajoie, les concepteurs du projet qui a été dévoilé tout récemment auraient eu avantage à exploiter les caractéristiques architecturales des bâtiments anciens du centre-ville, et en particulier celles de ce qui fut jadis associées à l’hôtel Nouveau-Canada. Il s’agit de l’édifice d’inspiration victorienne qui occupe l’autre coin des rues Saint-Denis et des Cascades (édifice de la SAQ); un stuc blanc masque aujourd’hui sa brique rouge d’origine, une brique rappelant celle du Marché public.Comme il l’avait déjà expliqué au COURRIER il y a quelques années, Bernard Lajoie croit toujours que c’est une réplique de l’hôtel Nouveau-Canada qui devrait s’élever sur l’autre coin de rue afin de créer un bel ensemble symétrique face au marché. « Et cet édifice devrait être construit en brique rouge, d’un rouge aussi près que possible de la couleur de la brique de l’ancien hôtel, en prévision d’une restauration de ce bâtiment », estime M. Lajoie. S’il le pouvait, il compléterait le décor en transformant l’avenue Saint-Denis en voie piétonne agrémentée d’arbres, de bancs et d’une petite cascade coulant le long de la pente naturelle en direction du Marché et de sa fontaine datant de 1879. Ce consultant en restauration de bâtiments qui réside à Sainte-Hélène contribue par ses conseils à la mise en valeur d’édifices anciens depuis 35 ans. Son apport à la protection du patrimoine québécois lui a d’ailleurs valu en 2001 d’être honoré par le Conseil des monuments et sites du Québec. Lui qui s’intéresse aux vieux bâtiments depuis qu’il est tout jeune considère que l’avant-gardisme doit s’exprimer dans les quartiers nouveaux, mais que dans les quartiers anciens, c’est le respect de l’histoire qui doit primer. « Ce serait bien qu’on puisse dire un jour que le centre-ville de Saint-Hyacinthe est le plus beau du Québec parce qu’il est bien conservé. Mais pour ça, il faut placer la barre très haut. Si on ne vise pas haut, on va arriver très bas », prévient-il.

Comité d’urbanisme

À la Ville de Saint-Hyacinthe, le projet architectural de Arona Construction a été étudié sous l’angle du « Programme d’implantation et d’intégration architecturale du centre-ville secteur commercial » (PIIA), programme qui privilégie le style Boom Town (1880-1946) pour les projets de restauration et de construction réalisés autour du Marché public.

Selon M. Lajoie, le Boom Town correspond à l’époque du haut victorien, caractérisé par un style plus dépouillé que le victorien.Après avoir pris connaissance du projet et suivi son évolution entre juillet 2011 et janvier 2012, le comité consultatif d’urbanisme a toutefois conclu qu’il respectait l’esprit du PIIA. Le règlement dit entre autres que « la restauration d’une façade ou la construction nouvelle devra être prévue en s’assurant de l’agencement des toits, de la couleur, des matériaux et du style architectural avec les constructions situées à proximité. » Il précise aussi que « la hauteur des nouveaux bâtiments ou des agrandissements devra s’agencer avec la hauteur des bâtiments voisins afin d’éviter des différences trop marquées. » Or, la hauteur de l’édifice proposé pourrait approcher les 18 mètres, alors que la hauteur maximale autorisée dans cette zone est de 15 mètres. Le conseil municipal devra donc accorder une dérogation sur ce point avant la délivrance du permis.On note également qu’il n’y aura pas de « corniche décorée », ni de « traitement particulier du coin de rue », comme le préconise le règlement. Le croquis du projet montre qu’il n’existe pas de continuité entre le mur de façade de la rue des Cascades et le mur latéral de l’avenue Saint-Denis, ce qui contraste avec l’harmonie des façades de l’ancien hôtel Nouveau-Canada, sur l’autre coin de rue.Néanmoins, les membres du comité consultatif d’urbanisme (CCU) ont bien reçu le projet final que leur ont présenté les architectes du bureau Justin Viens. « Au début, on pensait qu’il fallait y aller avec une brique rouge, mais on s’est finalement aperçu qu’il fallait faire le contraire si on voulait vraiment mettre le Marché public en valeur, et c’était notre objectif », a indiqué la conseillère du district Cascades, Sylvie Adam, qui siège au CCU avec sa collègue Nicole Dion Audette. Selon elle, un édifice en brique rouge aurait en quelque sorte « écrasé » le vieux marché.Mme Adam a mentionné que la première esquisse qu’ils ont vue, celle du designer Marcel McDermott, était plutôt éloignée de l’idée qui a finalement été retenue par les promoteurs, Joe et Marco Lanni. « Ça ressemblait un peu plus à ce que Gérard et Enrico Fluet ont fait avec l’édifice de la SAQ. Mais les propriétaires du terrain voulaient quelque chose de plus contemporain », a-t-elle expliqué.

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