16 septembre 2021 - 07:00
Élections fédérales : c’est le destin du Québec qui est en jeu
Par: Le Courrier

D’ici quelques jours, les électeurs seront conviés aux urnes pour décider par qui ils seront représentés à la Chambre des communes, à Ottawa. Certaines réalités politiques furent presque totalement escamotées par les différents chefs de parti. Rappelons ainsi quelques faits.

Que l’on soit souverainiste ou fédéraliste, les Québécois ne seront jamais des Canadiens à part entière. Toute leur existence diffère du mode de vie du Canadien anglais, que ce soit au sujet des valeurs, de la manière de faire société, des repères culturels ou de la simple langue parlée. Un fédéralisme lucide comprendrait que le Québec n’adhérerait au Canada que dans la mesure où il s’agirait d’une pure alliance politique sans rapport substantiel à l’identité canadienne.

Dans la mesure où le Québec forme donc une nation dont la culture est très différente du Canada, des conséquences politiques et sociales bien concrètes découlent du statut provincial. Ainsi, quand le Québec veut affirmer le strict minimum au sujet de ses grandes orientations collectives, comme dans le cas de la loi 96 sur la défense du français et de la loi 21 sur la laïcité de l’État, il doit inévitablement faire face à un pays qui lui envoie sans cesse une fin de non-recevoir. En dernière instance, c’est la Cour suprême du Canada qui décide de la validité des lois démocratiquement promulguées au Québec, alors que les juges et les lobbys opposés aux lois québécoises sont nommés et financés par le régime canadien. C’est ce qu’on appelle un détournement de démocratie.

Dans le cas de l’immigration, nous savons depuis longtemps que nous recevons des seuils anormalement trop élevés. Toutes proportions gardées, le Québec accueille deux fois plus d’immigrants que les États-Unis et 2,5 fois plus que la France, des pays qui sont déjà très ouverts à l’entrée de nouveaux arrivants. Notre nation est incapable de soutenir une telle immigration qui dépasse largement nos capacités d’intégration. Or, bien que le Québec possède quelques pouvoirs en immigration, c’est le Canada qui décide des grandes cibles et qui pousse constamment à la hausse l’entrée de nouveaux arrivants.

La conséquence de cela est une érosion galopante du français dans le Grand Montréal, dont les chiffres du recensement de 2016 ont démontré l’ampleur de la catastrophe. Montréal, Laval et même l’agglomération de Longueuil deviennent de moins en moins francophones. Le jour où la métropole tombera, la dynamique d’assimilation ne pourra que s’accélérer jusqu’à la disparition tranquille du peuple québécois.

Cette éventualité est tout à fait possible : nos ancêtres canadiens-français qui ont émigré massivement en Nouvelle-Angleterre ont aujourd’hui des descendants qui sont pratiquement tous assimilés, et c’est la même chose pour les Cajuns de la Louisiane. Le Québec est le dernier bastion des francophones d’Amérique, et à l’heure actuelle, les tendances lourdes jouent contre nous. Oui, l’heure est grave, et l’apathie collective commence sérieusement à faire craindre le pire.

En plus de tout cela, les partis fédéraux sont tous en faveur d’une plus grande centralisation de l’État fédéral. Les pires d’entre eux sont les partis de gauche, soit le Parti libéral, le NPD et le Parti vert, qui veulent étaler la générosité canadienne au point d’empiéter sur les champs de compétence des provinces dans les garderies et en santé. Les conservateurs ont aussi leurs lubies pancanadiennes et leur opposition à la laïcité du Québec, et les bloquistes, bien étrangement, montrent à plusieurs reprises leur désir de renforcer les liens avec le fédéral.

L’État du Québec s’est construit sur plusieurs décennies de durs labeurs par de grands premiers ministres visionnaires et audacieux. Voulons-nous gâcher tout le travail de la Révolution tranquille et revenir au bon vieux temps d’un Canada français dépourvu de tout pouvoir politique digne de ce nom? Un peuple ne peut durer dans le temps s’il n’est pas maître chez lui. François Legault a raison de nous avertir : la nation québécoise est attaquée, nous devons voter en conséquence.

Tocqueville avait cette formule : « L’histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies. » Cette vérité demeurera toujours éternelle, en fait foi la dernière conférence de presse historique du premier ministre du Québec. En continuité avec tous les grands défenseurs de l’histoire du Québec, François Legault a repris la formule de Robert Bourassa sur le « quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse » face à une situation où, comme au début des années 1990, le Québec reçoit une gifle humiliante de la part du Canada anglais. Encore une fois, nous ne sommes pas respectés dans nos valeurs et dans la simple expression de notre langue. Le minimum vital sera toujours de trop pour Ottawa.

Souverainiste comme fédéraliste, cette élection fédérale doit servir aux Québécois de méditation sérieuse sur leur place au sein d’une fédération de plus en plus asphyxiante à la survie nationale.

Philippe Lorange, Saint-Hyacinthe

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