5 août 2021 - 19:14
En Avant! : un journal d’opposition (1937-1939) (1)
Par: Le Courrier
T.-D. Bouchard assis à son bureau, 1936. Photo Coll. Centre d’histoire CH354

T.-D. Bouchard assis à son bureau, 1936. Photo Coll. Centre d’histoire CH354

Le matin du 18 août 1936, le Québec se réveille avec un gouvernement qui n’est pas libéral pour la première fois depuis près de 40 ans. Qui plus est, c’est l’Union nationale, un parti flambant neuf, qui prend le pouvoir avec une écrasante majorité, remportant 76 des 90 sièges que compte l’Assemblée nationale à cette époque.

Lors des élections précédentes, en novembre 1935, Maurice Duplessis, chef du Parti conservateur de la province, propose une alliance avec Paul Gouin, chef de l’Action libérale nationale (ALN), une faction de libéraux mécontents de la façon dont leur parti géra la crise économique. Face à cette coalition, le parti libéral remporte le scrutin de justesse.

Pour l’élection de 1936, rendue nécessaire par la démission du premier ministre Taschereau, Gouin est réticent à répéter pareille alliance, mais Duplessis parvient à se défaire de sa présence encombrante et les membres de l’ALN fusionnent avec les conservateurs. Le 20 juin est fondée l’Union nationale, qui gouvernera la province à peine deux mois plus tard.

Pour les libéraux, il s’agit d’un grand choc, on le devine bien. Il y a longtemps qu’ils avaient connu pareille défaite, et ils n’ont qu’une idée en tête : reprendre le pouvoir dès la prochaine législature. Leur chef, Adélard Godbout, a perdu dans son comté de L’Islet et c’est le député de Saint-Hyacinthe, Télesphore-Damien Bouchard, qui devient chef de l’opposition en chambre.

Bouchard est un libéral « rouge foncé », comme on disait à l’époque. Il est reconnu pour ses prises de position très progressistes. Il prône, entre autres, l’éducation obligatoire et gratuite, la nationalisation de l’hydro-électricité, la taxation municipale des institutions religieuses et le vote des femmes. Il est également un anticlérical notoire, prônant avec force la séparation de l’Église et de l’État dans l’administration publique. Il est député de Saint-Hyacinthe d’abord de 1912 à 1919, puis de 1923 à 1944.

Bouchard est convaincu que le gouvernement de Maurice Duplessis représente une grande menace pour ses idées avant-gardistes. Il croit que chaque action de l’Union nationale au pouvoir doit être critiquée et démontée au fur et à mesure. Pour ce journaliste, seule une publication résolument libérale peut l’aider à parvenir à ses fins.

Depuis 1903, il est le propriétaire du journal L’Union, l’organe officiel des libéraux à Saint-Hyacinthe, dont il changera le nom pour Le Clairon de Saint-Hyacinthe en 1912. Principal concurrent du Courrier de Saint-Hyacinthe, Le Clairon est un journal qui fait la part belle aux nouvelles régionales.

Certes, Bouchard profite de cette tribune pour propager ses idées, mais après la défaite magistrale de 1936, il a besoin d’un outil davantage politique et de portée moins locale. C’est alors qu’il a l’idée de fonder un nouveau journal de quatre pages, Le Clairon en comptait huit, qu’il baptise En Avant! Il le décrit lui-même comme un périodique de combat canadien-français, politique et littéraire.

Imprimé à Saint-Hyacinthe, En Avant! est distribué également à Montréal et à Québec. Bien que Bouchard ne s’empêche pas de citer assez souvent en exemple sa ville et son comté, il s’efforce d’embrasser des enjeux qui touchent chacune des régions de la province. Il s’agit d’un journal hebdomadaire paraissant le vendredi. Le premier numéro est publié le 15 janvier 1937.

D’entrée de jeu, le propriétaire du journal promet que cette nouvelle publication défendra les opinions professées par les partis libéraux, tant au fédéral qu’au provincial. Il termine son premier éditorial par l’appel suivant :
« EN AVANT! Pour la défense de nos idées!
 EN AVANT! Pour la conquête du terrain que nous avons perdu dans la province!
EN AVANT! Et sus à nos adversaires! »

À suivre…

Martin Ostiguy, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe

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