27 février 2013 - 00:00
France Guilmain, la femme-orchestre
Par: Martin Bourassa

France Guilmain est une habituée des projecteurs, des grands honneurs et des réussites. La preuve? C'est la deuxième fois en moins de 20 ans qu'elle se retrouve dans le cercle restreint de nos personnalités du mois.

À la première occasion, c’était en 1996. Sa nomination visait, d’une part, à reconnaître ses talents d’organisatrice de spectacles, de femme d’affaires et de culture, que ce soit à la tête de son école de musique où encore à la tête de la Fête nationale, du Festival Rétro, des Beaux Mardis de Casimir et de la Société de diffusion des spectacles chargée de la programmation à la vieille salle de l’ITA.

D’autre part, elle venait aussi d’accepter quelques semaines auparavant la direction générale des Fêtes du 250e anniversaire de la Ville de Saint-Hyacinthe, une aventure qui allait culminer avec diverses célébrations échelonnées sur l’année 1998. « Une année faste, une année qui a permis de réaliser de grandes choses et de faire ressortir toute la fierté des Maskoutains. Et quand le comité organisateur a remis son tablier, il restait de l’argent dans les coffres », rappelle avec satisfaction la chef d’orchestre du 250e.Dix-sept ans après cette première sélection, la voilà qui retient à nouveau l’attention de notre comité de sélection. Il faut dire qu’il en a coulé de l’eau sous le pont Barsalou depuis 1996. Mme Guilmain ne s’est pas tournée les pouces. Oh que non!En plus de poursuivre la promotion et la diffusion des arts, à la tête de la Société de diffusion de spectacles, on lui doit l’émergence du Centre des arts Juliette-Lassonde (CAJL) de Saint-Hyacinthe, inauguré en janvier 2006.À titre de directrice générale et artistique du Centre des arts, France Guilmain a contribué plus que tout autre à faire de cette salle de spectacles une référence au Québec.Depuis cinq ans, le CAJL a été en nomination à cinq reprises comme salle de spectacles de l’année au gala de l’industrie de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), remportant deux Félix.À titre de diffuseur de spectacles de l’année, Mme Guilmain et le CAJL ont également été en nomination quatre fois au cours de la même période.Pour sa contribution remarquable à l’essor du Centre des arts Juliette-Lassonde et à la diffusion des arts et de la culture à Saint-Hyacinthe, Le Courrier de Saint-Hyacinthe et la Chambre de commerce et de l’industrie Les Maskoutains sont heureux de décerner le titre de personnalité du mois de février à Mme France Guilmain.

En avant la musique

Originaire de la petite municipalité rurale d’Upton, Mme Guilmain, cinquième d’une famille de sept enfants, a grandi sur une ferme laitière. Son père était ce qu’elle appelle un « gentleman-farmer », menant de front une passion pour la vie à la ferme et son travail d’entrepreneur en construction qui l’a mené à travailler sur l’Hôtel des Seigneurs et le stade C.-A.-Gauvin.

Toute petite, c’est dans l’univers de la musique qu’elle s’investit, particulièrement au piano. C’est dans cette voie qu’elle entrevoit sa carrière et qu’elle termine ses études en musique, volet jazz piano, au Cégep de Drummondville.« J’envisageais une carrière à composer, à accompagner des artistes, voire de pianiste en résidence à Radio-Canada. Mais je ne voulais rien savoir de la tournée et des bars. Même que plus ça allait et plus cela m’éteignais. »Après une petite pause pour apprendre l’anglais, elle décide tout de même de poursuivre sa formation en musique à l’Université Concordia. Sauf que le décès de son père en 1976, survenu alors qu’elle avait 19 ans, viendra modifier à jamais ses plans d’avenir. « En route vers Montréal pour passer mes auditions, j’ai pris la sortie d’autoroute de La Présentation et je suis rentrée à Saint-Hyacinthe où était installée ma mère depuis peu. Elle avait besoin de moi et moi j’avais besoin d’autre chose. »Cette autre chose a rapidement pris la forme de l’École de musique Victor-Martin et de l’organisation d’événements culturels de toutes sortes. Elle opèrera entre autres son école pendant 18 ans, organisera les fêtes de la Saint-Jean pendant 10 ans et sera à la direction du Festival de musique Rétro pendant cinq ans. « J’aime organiser des trucs et la planification, j’aime ça, cela fait partie de moi, c’est dans ma nature. J’aime aussi apprendre et me perfectionner, l’organisation m’a toujours collé à la peau. »C’est pour cela qu’on lui offre en 1996 un mandat de trois ans pour organiser les fêtes du 250e de la Ville de Saint-Hyacinthe. « Ce fut trois grosses et belles années, mais j’ai livré la marchandise. Vidée, j’ai ensuite pris une sabbatique pour penser à moi et à ma petite fille. Je me suis ressourcée aux HEC! »

Un autre défi à relever

Au début des années 2000, un coup de fil de la Ville de Saint-Hyacinthe la ramène tout droit à la Société de diffusion de spectacles qu’elle avait démarrée comme présidente du conseil d’administration en 1994 lorsqu’on lui avait remis la charte et un budget de 20 000 $ avec le mandat de « faire des show ».

Sa mission est simple : faire exploser la diffusion et la demande de spectacles à Saint-Hyacinthe, question de créer un environnement favorable pour faire aboutir le projet de construction du Centre des arts Juliette-Lassonde.« De 2000 à 2006, on a ouvert les vannes. De plus en plus de spectacles ont été présentés à la petite salle de l’ITA, ce qui a mis la table pour le nouveau Centre des arts. Nous sommes passés de l’ère artisanale à l’ère industrielle avec la nouvelle salle. »Il faut dire qu’elle sait mener les choses rondement et négocier de façon serrée. On dit même qu’elle a une main de fer… dans un gant de fer! « Je ne m’en laisse pas imposer, j’ai les traits sévères et je n’ai pas peur de donner mon opinion. Je suis exigeante avec moi et avec les autres, mais je n’ai qu’une parole et on me respecte beaucoup pour cela dans le milieu. Cela dit, je suis aussi très humaine et une maman gâteau. »C’est d’ailleurs pour passer davantage de temps avec son conjoint et avec sa fille Roxane, 18 ans, qu’elle a décidé d’abandonner d’elle-même la direction générale du Centre des arts, pour se concentrer uniquement sur la direction artistique. « Certains pensent que je suis incapable de déléguer et que deux violons ici, ça ne pourra pas fonctionner. Je suis convaincue du contraire. Oui, deux têtes valent mieux qu’une! »Et il n’est pas dit qu’un jour, on ne dira pas que deux femmes valent mieux qu’une puisque la belle Roxane marche allègrement sur les traces de maman.« Elle chante, a étudié le piano à Drummondville puis a bifurqué vers le management au Collège régional Champlain St. Lawrence à Québec. Je la vois très bien diriger le Centre des arts un jour. Ce n’est pas impossible, elle a tout ce qu’il faut. »Comme on dit, le fruit n’est pas tombé loin de l’arbre!

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