31 octobre 2013 - 00:00
Johanne Brodeur sous les projecteurs
Par: Le Courrier

C’est une Maskoutaine pure laine qui a été élue à la tête du Barreau du Québec le 1er juin 2013. Me Johanne Brodeur est née, a grandi et habite toujours à Saint-Hyacinthe, même si ses engagements bénévoles et professionnels lui ont fait voir du pays. Directrice des affaires juridiques de l’Union des producteurs agricoles depuis 2001, elle se consacre pour une année à son poste de bâtonnière du Québec. Rencontre de mi-mandat.

Vous êtes élue pour un mandat d’un an. Qu’avez-vous placé en tête de liste de vos priorités?

L’un des premiers défis, qui est un peu différent de ce que proposaient mes prédécesseurs, c’est l’éducation juridique des adolescents. L’éducation, ça me tient à coeur et je pense que l’on devrait avoir, comme dans toutes les autres provinces canadiennes, ce qu’on appelle « l’éducation civique ». Il s’agit d’une formation au secondaire qui permettrait à nos enfants – à la relève – de mieux comprendre leurs droits et la société dans laquelle ils vivent. C’est fondamental d’offrir un minimum de formation. Les élections : comment ça fonctionne? Je signe mon premier bail : quels sont mes droits? J’ai eu une contravention : qu’est-ce que ça implique? Ce projet suscite l’enthousiasme des membres du Barreau et nous recevons des appuis importants. J’ai rendez-vous avec la ministre de l’Éducation ce mois-ci pour en discuter.

Le 4 octobre, le gouvernement du Québec annonçait la hausse des seuils d’admissibilité à l’aide juridique. Comment cet engagement est-il bénéfique pour chacun d’entre nous?

Le Barreau a talonné tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 15 ans pour obtenir l’augmentation du seuil de l’aide juridique. Pendant au moins 25 ans, le seuil d’admissibilité n’a pas suivi l’augmentation du salaire minimum, si bien que 100 000 personnes par année se retrouvaient exclues du programme. L’annonce du 4 octobre redonnera graduellement accès à l’aide juridique à quelque 500 000 personnes à partir de janvier 2014. On parle d’un accès à l’aide juridique gratuite pour les personnes travaillant à temps plein au salaire minimum et pour les personnes âgées bénéficiant du supplément de revenu garanti. Cette annonce vient avec un engagement d’indexation. On vient donc assurer la pérennité du programme. Ces mesures devraient nous aider à désengorger les tribunaux, puisque plus de gens pourront obtenir des conseils et possiblement régler leur conflit avant de s’adresser à la cour. Ce faisant, cette annonce favorise un meilleur accès à la justice pour tous.

Votre programme vise aussi à améliorer la perception des citoyens envers la justice et la profession d’avocat.

La valorisation de la profession, c’est très important. Individuellement, les avocats ont généralement une bonne réputation. Par exemple, si vous demandez à quelqu’un qui a fait affaire avec un avocat s’il est satisfait, la plupart des gens vous diront que leur avocat est bon et que ce sont les autres qui n’ont pas d’allure! Si vous demandez aux gens qui ont fait affaire avec les avocats de Saint-Hyacinthe, individuellement, vous n’aurez que de bons commentaires. Ils sont impliqués partout et ils sont très dynamiques. Je ne connais pas d’organisations maskoutaines à but non lucratif qui n’aient jamais profité de l’aide et des conseils gratuits d’un avocat. C’est un devoir pour les avocats de redonner à la société. La plupart du temps, on choisit le droit pour combattre l’injustice, pour intervenir dans la société, pour aider les autres, parce qu’on a une facilité à s’exprimer et qu’on peut être la voix de quelqu’un d’autre. Et ces motivations perdurent durant toute une carrière. Bien sûr, collectivement, on vit actuellement une période difficile, où les gens sont plus sceptiques, plus désabusés. Après la Commission Gomery, la Commission Bastarache et la Commission Charbonneau, il y a du travail à faire pour convaincre la population qu’il y a encore des gens de bonne foi et de bonne volonté. Du côté de notre ordre professionnel, quand il y a une pomme pourrie, on intervient tout de suite. Ce sont ces individus-là qui peuvent nuire à l’ensemble de la profession, alors il n’y a pas de compromis à faire à ce chapitre.

On a beaucoup parlé de politique municipale et de droit au cours des derniers mois. Que souhaitez-vous pour Saint-Hyacinthe à l’issue des élections du 3 novembre?

Aux gens de Saint-Hyacinthe et d’ailleurs, je souhaite des politiciens engagés. Mais quiconque se présente et ose faire la campagne dans le climat actuel est une personne engagée. Sinon, tu ne mets pas ton nom sur le bulletin de vote! Si je regarde du côté des conseillers municipaux, j’aimerais avoir un conseil représentatif de la population : des hommes, des femmes, des jeunes, des gens de la ville, des producteurs agricoles. Bref, je nous souhaite un conseil municipal qui nous ressemble. Et bien sûr, on a tous en tête d’avoir un maire et des conseillers transparents, de bonne foi et intègres. C’est ce qu’on mérite comme population, chez nous et partout au Québec. Mais on doit faire notre part : s’intéresser à l’élection, écouter ce que les candidats ont à dire, faire un choix éclairé et aller voter. Surtout, allez voter!

La question à laquelle vous auriez aimé répondre.

Je pourrais parler de l’accès à la justice et plus particulièrement dans la région de Saint-Hyacinthe. À Saint-Hyacinthe, on est chanceux. On a un bon bassin d’avocats et un excellent bureau d’aide juridique, ce qui permet à la population d’avoir facilement accès aux services. Même au niveau des délais, les choses se passent mieux à Saint-Hyacinthe qu’à bien des endroits. Et je dois souligner qu’il existe une tradition à Saint-Hyacinthe qui n’existe nulle part ailleurs au Québec et qui est enviée partout. Chaque année, à l’occasion de la rentrée judiciaire qui a lieu en septembre, les juges qui siègent à Saint-Hyacinthe s’assoient avec les avocats. Ils discutent de la gestion et des problématiques locales : l’appel des rôles, les délais, la disponibilité des locaux, etc. Cette négociation règle plusieurs problèmes. On n’attend pas que les solutions viennent de Québec et d’Ottawa quand il s’agit de questions locales.

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