21 mars 2013 - 00:00
Julie Fontaine sous les projecteurs
Par: Le Courrier

Julie Fontaine a grandi à Saint-Pie, juste à côté de la caserne. Petite, elle ne s’était pas imaginé devenir pompière. Celle qui comptera bientôt 20 ans de service dans le feu de l’action était jusqu'à tout récemment la seule femme au Québec à diriger un service incendie.

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Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de vous diriger vers ce métier?

Je n’en suis pas certaine moi-même! J’avais commencé un baccalauréat en histoire, mais je ne me voyais pas travailler là-dedans. J’ai regardé les programmes offerts et quand j’ai vu la formation en prévention des incendies à l’école Polytechnique, j’ai su que ça me conviendrait. J’ai grandi à côté de la caserne à Saint-Pie. Quand j’étais petite, on allait jouer là avec nos amis et on suivait le camion de pompier quand il y avait une alarme. À l’époque, c’était les voisins qui répondaient aux appels d’urgence. Ils mettaient en marche la sirène sur le toit de la caserne pour aviser les pompiers qu’il y avait un feu. Alors toute la ville était au courant! Je me souviens très bien de tout ça, mais jamais ça ne m’effleurait l’esprit de devenir pompier.

Comment avez-vous fait votre place dans un milieu si typiquement masculin?

Évidemment, j’ai toujours été consciente que c’était un milieu de gars. J’étais toujours la seule fille dans mes classes… ce qui avait de bons côtés! Mais je n’ai jamais eu la perception que je devais faire ma place plus que les autres. J’ai eu à faire ma place comme tout le monde, gars ou fille. Je ne sais pas si c’est parce que je suis tombée dans des milieux particulièrement respectueux, mais je n’ai jamais senti de pression particulière. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de pompières. Dans la MRC, on en compte au moins une par caserne. Je crois que le domaine de la prévention a ouvert beaucoup de portes aux femmes dans notre milieu.

À titre de directrice, vous devez faire le pont entre votre service et la Ville de Saint-Pie. Comment se passe cette relation?

Nous avons une très bonne relation. C’est vrai qu’un service incendie, ça peut coûter cher. Est-ce qu’on a absolument tout ce qu’on voudrait avoir? Non. Mais est-ce qu’il nous manque quelque chose d’essentiel? Non plus. Chaque fois que la Ville investit dans son service incendie, ce sont des sous qui ne vont pas aux loisirs, par exemple. Disons que ce ne sont pas des investissements que les gens voient, alors il ne faut pas compter là-dessus pour se faire du capital politique. Malgré cela, nous avons souvent des réponses positives de la Ville.

Quels sont les incendies les plus mémorables sur lesquels vous êtes intervenue?

Ça dépend mémorable dans quel sens! C’est certain que l’incendie chez Dutailier en 2008 était impressionnant. Je me souviens avoir regardé le feu pendant quelques secondes en me demandant par quel bout on allait prendre ça. Finalement, on a bien travaillé et les employés ont pu retourner au travail moins de cinq jours après l’incendie. À l’inverse, le feu qui a détruit l’Intermarché laisse un goût amer. Même si, avec le recul, on sait que rien n’aurait pu changer le résultat final, ça laisse une cicatrice à Saint-Pie. Les gens passent devant tous les jours, ils en parlent et ils ont hâte de pouvoir faire leur épicerie sans aller à Saint-Hyacinthe. Je le sais, je suis dans le même bateau! Certains ont perdu leur emploi aussi, ce qui rend les conséquences encore plus évidentes. Alors même si on sait qu’on a fait tout ce qu’on devait faire, ça fait quand même un peu mal au coeur.

La question jeu de mots : qu’est-ce qui vous allume et qu’est-ce qui vous éteint dans votre travail?

Dans mon travail et en général, ce qui m’énerve, c’est la lourdeur administrative. Ça mange vraiment mon énergie. Ici, avec la Ville, ça se passe bien puisque c’est encore assez petit pour qu’on puisse s’asseoir entre nous et régler les problèmes. Mais, par exemple, tout le travail qui a mené à l’adoption du Schéma de couverture de risques dans la MRC était ralenti par la lourdeur administrative. Et ce n’est pas la MRC des Maskoutains le problème; c’est comme ça dans toutes les MRC et dans tous les organismes qui ont une structure complexe. Il y a des comités, des sous-comités, des mois d’évaluation, de consultation et de prise de décision sur chaque question. Si bien qu’au bout du processus, c’est dur de ne pas se dire : « tout ça pour ça ». Pour ce qui est du côté plus positif, j’aime voir l’interaction entre la Ville et ses citoyens. De l’extérieur, on n’a pas idée de tout le travail qui se fait au quotidien. Chaque jour, les employés d’une ville gèrent les petits et les gros problèmes dont leur font part les citoyens. Ils trouvent des solutions, des réponses. Bref, on est loin des « pousseux » de crayons.

La question à laquelle vous auriez aimé répondre.

Récemment, j’ai reçu la médaille du jubilé de diamant de la Reine pour mon travail au Service des premiers répondants. C’est très flatteur, mais j’ai un peu le syndrome de l’imposteur. Au fond, tous les premiers répondants font les mêmes sacrifices que moi et se dévouent de la même façon. En tout temps, deux répondants de Saint-Pie sont prêts à répondre aux urgences médicales qui exigent qu’on vienne en aide rapidement à une personne. C’est un service très utile dans une ville comme la nôtre, puisque nous n’avons pas d’ambulance sur place. Il faut savoir que les premiers répondants ne sont pas payés pendant leurs heures de garde, même s’ils doivent être disponibles et prêts à intervenir. Nous sommes payés uniquement lorsque nous sommes appelés. C’est donc un travail important et tous les premiers répondants auraient pu obtenir la médaille pour les mêmes raisons que moi.

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