13 mai 2021 - 07:00
Incertitude entourant le projet Exceldor à Saint-Hyacinthe
La faute à Google
Par: Martin Bourassa
C’était dans l’air, mais la nouvelle a été confirmée lundi : un centre de données de la multinationale Google s’installera en plein cœur de la zone agricole à Beauharnois, en Montérégie. Sur un terrain de 62,4 hectares (ha), elle plantera des installations technologiques de 735 millions de dollars. Celles-ci devraient créer près de « 30 emplois spécialisés et bien rémunérés » lors de la phase d’exploitation.

J’insiste : « près de 30 emplois » pour un investissement de 735 M$.

Pourquoi aborder ce sujet dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe? Pour réaliser à quel point ce projet encouragé, soutenu et salué par le gouvernement du Québec a miné nos chances de voir Exceldor installer à Saint-Hyacinthe une usine de transformation de volailles en zone agricole, où un abattoir serait plus pertinent qu’un centre de données informatiques.

Oui, ce sera, en partie du moins, la faute à Google si les quelque 450 M$ – 250 M$ pour la phase 1 et environ 200 M$ pour la phase 2 – et les 600 à 1000 emplois non spécialisés, mais assez bien rémunérés quand même, d’Exceldor nous échappent.

La faute à Google et/ou au manque de courage politique du gouvernement qui n’a pas voulu refaire pour Exceldor le tour de passe-passe qu’il s’est permis à Beauharnois pour y attirer Google. Là-bas, le gouvernement Legault n’a pas hésité à court-circuiter la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) qui aurait dû décider du bien-fondé de soustraire ces 62,4 ha de la zone agricole. C’est plutôt Québec qui a imposé par décret, le 28 avril, d’exclure de la zone agricole les lots nécessaires à Google, au grand dam de l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA). Si les très généreuses compensations prévues par le gouvernement pour atténuer les répercussions du projet Google sur les activités agricoles n’ont pas suffi à satisfaire l’UPA, rien n’y fera jamais. En échange, Québec a remis à l’usage agricole une superficie de terre équivalente (71 ha) à Beauharnois. En prime, il a aussi retourné à la zone agricole un terrain de 135 ha à Saint-Stanislas-de-Kostka.

Québec a donc pris d’une main 62,4 ha et a redonné de l’autre des terres d’environ 230 ha, bien que celles-ci étaient déjà largement cultivées. Le gouvernement a aussi sorti son chéquier pour verser 3,54 M$ à la Fiducie agricole UPA-Fondaction et 2,7 M$ à la Communauté métropolitaine de Montréal pour assurer la mise en œuvre d’un parc métropolitain agricole. Québec a tout fait pour acheter la paix, en vain.

Lundi, en commentant le dossier Google, le président de l’UPA de la Montérégie, Jérémie Letellier, a parlé « d’un précédent déplorable et inquiétant, un exemple à ne jamais répéter ». Il avait sans doute en tête le dossier Exceldor, que son organisation a déjà torpillé.

Le recours au décret gouvernemental est rare, n’ayant été utilisé qu’à quelques reprises depuis 1978, et c’est très bien ainsi. Utiliser ce raccourci pour Google et Exceldor en si peu de temps aurait envoyé un très mauvais message et sapé l’autorité de la CPTAQ. On en convient tous. Il fallait choisir l’un ou l’autre. On a perdu. Ce qui est déplorable, c’est que le gouvernement Legault n’ait rien fait de significatif encore pour favoriser l’émergence du projet Exceldor à Saint-Hyacinthe, outre un appel sans lendemain du premier ministre à la concertation locale. Cela lui a plutôt valu une volée de bois vert du milieu agricole.

Tant et si bien que Saint-Hyacinthe, puis la MRC des Maskoutains se sont engagées dans des procédures devant la CPTAQ dans l’espoir d’obtenir son approbation afin d’extraire de la zone agricole une superficie de 24 ha. Sans succès jusqu’ici.

À Saint-Hyacinthe, la compensation représente 38 ha, rien pour impressionner l’UPA ou les commissaires de la CPTAQ. Alors si jamais la CPTAQ rejette la demande portée par la MRC et qu’Exceldor et les instances régionales ne s’entendent pas sur un plan B à Saint-Hyacinthe ou dans la MRC, il faudra se souvenir de Google et de ses 30 emplois spécialisés et bien rémunérés à Beauharnois. Et il faudra peut-être se servir de ce moteur de recherche pour dénicher de nouveaux emplois aux 260 travailleurs de l’usine Exceldor de Saint-Damase qui ne pourront suivre leur employeur quand il partira s’établir à Drummondville ou Varennes.

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