3 septembre 2020 - 12:39
Forum
La gouvernance municipale à Saint-Hyacinthe : y a-t-il péril en la demeure?
Par: Le Courrier
Photo François Larivière | Le Courrier ©

Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le Courrier de Saint-Hyacinthe révélait, dans ses éditions des dernières semaines, qu’un trio de promoteurs privés avait fait main basse sur un pâté de maisons complet dans le secteur Christ-Roi pour plus d’un million de dollars. La finalité de ces acquisitions est de développer un projet immobilier avec une offre de logements résidentiels.

En soi, la nouvelle est de taille pour ce qu’elle implique comme redéfinition et revitalisation du secteur du centre-ville et plus largement pour Saint-Hyacinthe et ses citoyens. Avant d’écrire ce texte, j’ai attendu. J’ai réservé mon jugement puisque le promoteur mentionnait que le projet était mené « en collaboration avec la Ville de Saint-Hyacinthe et Saint-Hyacinthe Technopole ». J’attendais les explications de nos élus municipaux après le scoop médiatique. Les jours ont passé, mais je reste encore sur ma faim, avec plus de questions que de réponses.

Avant d’aller plus loin, ce texte ne prend pas position sur le futur projet de développement immobilier lui-même. Celui-ci est trop embryonnaire, on ignore à quoi il ressemblera; aucun plan, document ou ligne directrice n’a été présenté. Je vais plutôt m’attarder au déficit démocratique patent que met tristement en relief cette nouvelle.

Je suis restée abasourdie de lire, dans ces pages, la déclaration du maire Claude Corbeil. Il a déclaré publiquement qu’il n’était pas au courant de ce projet d’envergure, dans un secteur névralgique sur lequel son conseil planche et s’active depuis longtemps. Si lui était dans le noir, en tant que maire de Saint-Hyacinthe, qu’en est-il des conseillers, nos autres élus municipaux, a fortiori Jeannot Caron, qui représente le district Cascades, là où le projet aura pignon sur rue?

Je n’ai pas la réponse, mais je peux supputer que, si le maire n’était pas dans le coup, il en va de même pour eux aussi. Et si cela s’avère, cela m’inquiète comme citoyenne pour le développement de ma ville. Si celles et ceux qu’on porte au pouvoir peuvent ne pas être mis au courant de projets majeurs et l’apprennent visiblement de la bouche des médias, c’est donc dire qu’on les ignore et qu’on les contourne. Triste constat pour notre démocratie municipale, j’espère sincèrement me tromper.

Par ailleurs, le promoteur Steve Fortier a mentionné qu’il collaborait avec la Ville de Saint-Hyacinthe et Saint-Hyacinthe Technopole sur ce projet. En mai, la série d’acquisitions d’immeubles dans Christ-Roi a débuté, donc le souhait d’aller de l’avant des promoteurs date minimalement du printemps passé. De deux choses l’une : quel(s) service(s) ou quelle(s) personne(s) sont ses interlocuteurs à la Ville? En tout cas, pas notre maire! Et si Saint-Hyacinthe Technopole était au courant du projet, est-ce à dire qu’il y a de la friture sur la ligne entre le conseil municipal et l’entité chargée du développement économique de notre ville? Encore là, mes questions restent en suspens. Aucune conférence de presse, soirée d’information, présentation virtuelle publique n’ayant été organisée par la Ville pour au moins faire l’annonce du projet.

En terminant, j’ignore quels sont les plans précis du trio de promoteurs, mais il s’agira de la construction d’immeubles locatifs résidentiels, ce qui présuppose au préalable une démolition du résidentiel bâti actuel dans le quadrilatère acquis. Je parierais, pour la suite des choses, que le comité de démolition, où siègent quatre de nos conseillers – soit Claire Gagné, Stéphanie Messier, Bernard Barré et Annie Pelletier – risque peu d’être sollicité et de se pencher sur le dossier.

En effet, le conseil municipal lui-même a décidé de lever le pied sur son rôle de chien de garde et de limer ses propres crocs. Auparavant, chaque demande de permis de démolition déposée à la Ville était acheminée au comité de démolition. C’était nos élus qui, après analyse et examen, décidaient ou non d’aller de l’avant avec la démolition d’immeubles. Aujourd’hui, les deux allègements votés par le conseil municipal, en 2013 et en 2017, font en sorte que la majorité de ce qui est bâti à Saint-Hyacinthe – et potentiellement sujet à démolition – est soustrait du droit de regard de ceux qui nous représentent. Il est rarissime qu’une entité politique restreigne elle-même ses propres pouvoirs, son propre droit de regard. C’est ce que notre conseil municipal a fait, deux fois plutôt qu’une. De ceci aussi je m’inquiète pour la santé et la vitalité de notre démocratie municipale.

Marijo Demers, Saint-Hyacinthe

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