3 janvier 2019 - 10:50
La petite vache bleue au secours des poissons de la rivière Salvail
Par: Le Courrier
Ce cours d’eau sillonnant un champ agricole donne un caractère bucolique à l’environnement, mais en réalité, il constitue aussi un défi considérable. En plus d’avoir à en comprendre la dynamique, l’agriculteur doit jongler avec la variation des niveaux d’eau qui apporte quantité de déchets. De plus, il doit s’adapter aux passages fréquents des animaux, dont certains nuisent à ses cultures. Michel Gadbois | MRC des Maskoutains  ©

Ce cours d’eau sillonnant un champ agricole donne un caractère bucolique à l’environnement, mais en réalité, il constitue aussi un défi considérable. En plus d’avoir à en comprendre la dynamique, l’agriculteur doit jongler avec la variation des niveaux d’eau qui apporte quantité de déchets. De plus, il doit s’adapter aux passages fréquents des animaux, dont certains nuisent à ses cultures. Michel Gadbois | MRC des Maskoutains ©

David Bernard et son fils Thomas. Michel Gadbois | MRC des Maskoutains  ©

David Bernard et son fils Thomas. Michel Gadbois | MRC des Maskoutains ©

Michel Gadbois et David Bernard. Michel Gadbois | MRC des Maskoutains  ©

Michel Gadbois et David Bernard. Michel Gadbois | MRC des Maskoutains ©

En collaboration avec la MRC des Maskoutains, Le Courrier présente une série d’entrevues réalisées avec une dizaine de producteurs agricoles qui ont participé à la 2e édition du projet Le photographe est dans le pré. Ils étaient jumelés avec des photographes du Club Photo Saint-Hyacinthe. Par leurs images, ils devaient valoriser le travail de ces agriculteurs qui s’appliquent à préserver la biodiversité de leur milieu de vie et de travail. David Bernard a accueilli chez lui le photographe Michel Gadbois.

La petite vache bleue, c’est l’emblème des producteurs laitiers du Québec. Ce métier, la famille de David Bernard, à La Présentation, l’exerce avec passion depuis trois générations. Julie, conjointe de David, a eu le coup de foudre pour l’agriculture, ce qui l’a amenée à suivre un cours à l’ITA afin d’être à temps plein sur l’entreprise laitière. La ferme de David Bernard et celles de la parenté vivant aux alentours constituent un magnifique domaine pour la famille élargie qui entretient des liens tissés serrés. Avec leurs trois enfants qui sont encore à l’école primaire, les Bernard sont en droit d’espérer un bel avenir.

Quels aménagements avez-vous faits pour préserver la biodiversité?

« La biodiversité, c’est un terme qui m’est familier. La rivière Salvail passe sur une partie de nos terres où il y a aussi une bonne pente. On a dû faire certains aménagements afin de contrôler l’érosion et pour respecter les bandes riveraines. J’ai planté une haie brise-vent sur l’autre terre que j’ai achetée, celle de mon voisin, où le sol est vraiment sablonneux. Éventuellement, je prévois élargir la bande riveraine à cause des fortes pluies qui sont plus fréquentes. »

M. Bernard se rappelle le temps où son père allait pêcher dans la rivière. Il admet que le cours d’eau était moins pollué qu’aujourd’hui. « On continue d’agir pour améliorer la qualité de l’eau. Sur mes terres, j’ai clôturé tout le long du cours d’eau pour empêcher les vaches d’aller boire dans la rivière. Ça évite les excréments dans l’eau et la croissance des algues. »

À la production laitière s’ajoute un peu de grandes cultures sur 320 acres. Une partie de la terre est en rotation avec du foin pendant quatre ans pour nourrir le bétail. La dernière année de rotation dans le foin, plusieurs plantes sauvages apparaissent. Même si ces plantes sont souvent considérées comme des mauvaises herbes, elles contribuent à améliorer la biodiversité. Même si les vaches passent la plus grande partie de leur vie à l’intérieur de l’étable, la production laitière demande le maintien de plusieurs hectares en prairie, ce qui est une contribution importante pour la biodiversité.

Quels bénéfices en tirez-vous?

« Les haies brise-vent, c’est pour empêcher le sol de voler dans les airs comme on le voyait souvent avant. C’est pour garder la richesse du sol et garder notre terre. Autrement, avec le fossé qui s’élargissait d’année en année, la terre se vidait dans la rivière et la bouchait. Le niveau d’eau au printemps montait alors encore plus haut. » À ces considérations d’ordre pratique, M. Bernard ajoute la fierté personnelle pour sa famille d’un impact positif pour l’environnement et de ce qui sera légué aux générations futures.

Comment faites-vous pour avoir une production optimale tout en protégeant l’environnement?

« Je ne pense pas que je perds beaucoup financièrement en enlevant quelques rangs pour la bande riveraine. Ce ne sont pas les plus beaux de toute façon. Pour l’engrais, on fait affaire avec un club-conseil en environnement. On fait un calcul pour maximiser les profits en mettant le minimum d’engrais combiné avec la gestion de nos fumiers. » Contrairement à beaucoup de producteurs, David Bernard ne voit pas le besoin de s’équiper de GPS ni d’une moissonneuse-batteuse qui sont des équipements très dispendieux. Il considère plus rentable de faire exécuter ces travaux à forfait. Il a plutôt investi dans l’installation d’un robot de traite pour ses soixante vaches. Il explique que le robot permet la traite trois fois par jour, ce qui rend la production optimale et rentable à long terme, compte tenu du coût et de la difficulté de trouver une main-d’œuvre fiable pour la ferme.

Comment voyez-vous la production agricole du futur par rapport à la protection de la nature?

David Bernard constate que l’agriculture a beaucoup évolué dans les cinquante dernières années, mais pour l’avenir, il s’attend surtout à ce que la machinerie soit opérée à distance complètement. Il va falloir de très grandes terres pour assurer une rentabilité avec toutes ces technologies, croit-il.

Quand on lui demande si, dans le futur, les agriculteurs vont se soucier encore davantage de l’environnement, David Bernard répond : « J’espère que oui parce que c’est important pour moi. Ce sont des valeurs qui se transmettent d’une génération à l’autre. Moi, je les ai apprises de mon père et, à mon tour, je les transmets à mes enfants. Il y a aussi les clubs-conseils qui nous aident à respecter l’environnement. »

M. Bernard ne cache pas que le nouvel ALENA, l’AEUMC, apporte son lot d’inquiétude. Avec ce 3,5 % de plus de lait venant du marché américain, il craint les coupures.

Aussi, dans le contexte de l’apport de la production laitière au maintien de la biodiversité sur notre territoire, il dit espérer que l’UPA fasse la promotion de la petite vache bleue auprès des consommateurs.

Par Micheline Healy

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