29 janvier 2015 - 00:00
La sagesse d’évoluer
Par: Le Courrier

Malgré le rapport du BAPE, le lobby du pétrole continue d’essayer de convaincre la ­population et le gouvernement ­d’investir temps et argent dans les infrastructures d’une technologie dépassée; c’est vrai non seulement au Québec, mais au Canada et dans le monde. Entre autres, la Régie de l’énergie croit que l’oléoduc de TransCanada Est est souhaitable. Au lieu de s’accrocher au passé, pourquoi ne pas investir immédiatement dans les technologies vertes de l’avenir?

Ce débat autour de l’oléoduc TransCanada Est me rappelle une histoire de ­famille. Dans les années 50, tous les ­agriculteurs récoltaient les céréales à l’aide de deux machines; la lieuse qui ­laissait les gerbes sur le champ quelques jours avant d’être passées à la batteuse ­stationnaire pour séparer les grains de la paille. Avec la mise en « stook », cette double opération représentait un travail long et pénible pour le cultivateur de l’époque.

En 1951, mon père a acheté une ­moissonneuse batteuse qu’on appelait une « combine ». C’était nouveau, révolutionnaire… et très contesté dans le monde agricole de l’époque. Le meunier du village affirmait haut et fort que le grain récolté avec une « combine » était difficile à moudre, qu’il moisissait et rendait les ­animaux malades. Mon père avait beau expliquer que le grain était de la même qualité pourvu qu’on le laisse mûrir sur pied une dizaine de jours de plus pour remplacer le mûrissement sur les gerbes. Parce qu’ils étaient ancrés dans une mentalité passéiste, le meunier et certains agriculteurs ne voulaient rien comprendre!

Deux ans plus tard, quand mon grand-père et mon oncle ont eu besoin de renouveler leur équipement, mon père leur a suggéré d’acheter une moissonneuse ­batteuse, en vantant la réduction ­d’environ 70 % d’un travail long, ­fastidieux et éreintant. Cependant, le ­vendeur de machinerie a fait une ­campagne de tordage de bras épique pour lui vendre une batteuse stationnaire. Mon grand-père a finalement eu la sagesse d’opter pour la machine moderne. Heureusement, car à peine dix ans plus tard, plus personne n’utilisait ces anciennes batteuses stationnaires!

Les promoteurs des énergies fossiles ont les mêmes oeillères que ce vendeur; ils s’accrochent à des technologies déjà périmées, à de vieilles croyances selon lesquelles l’énergie vient du pétrole. Au contraire, nos élites doivent endosser les recommandations du 5e rapport du GIEC; si l’humanité ne veut pas subir des changements climatiques catastrophiques, il faut limiter la hausse des températures à moins de deux degrés Celsius. Le Québec, le Canada et le monde doivent se diriger vers une économie postcarbone dans les plus brefs délais. Nous devons renoncer au pétrole.

Tout comme en 1953, la nouvelle ­technologie existe, mais elle est vilipendée. Mon grand-père a compris qu’il ­fallait délaisser les vieilles méthodes, même si cela impliquait d’abandonner temporairement sa zone de confort. Pour les adeptes des énergies fossiles, ­promouvoir le pétrole, cette vieille ­technologie du 20e siècle, tout en utilisant les médias sociaux du 21e siècle est très contradictoire! Est-ce que nos dirigeants auront la même sagesse que mon grand-père? Est-ce qu’ils sauront se tourner ­immédiatement vers les énergies vertes?

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