6 juin 2013 - 00:00
« L’âme d’une maison, ce sont les personnes qui y vivent »
Par: Le Courrier

On vieillit et, autour de soi, la mort fait son oeuvre. Les deuils que nous traversons nous incitent à réfléchir à notre propre mort et au sens du deuil.

La communauté des soeurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe a été fondée il y a 136 ans. Nous avons demandé à quelques-unes d’entre elles si l’idée de quitter la maison mère, dans douze mois, évoquait un deuil à faire?

« Je le crois de plus en plus, dit soeur Pauline Robichaud, et c’est lors de la photo de groupe prise récemment dans l’escalier principal devant la maison mère (voir page A3), que cela m’a sauté aux yeux. J’ai vécu ça comme le symbole d’une série de petits détachements que nous aurons à vivre au cours des prochains mois », avoue-t-elle, les yeux embués de larmes. Des départs, des détachements, ce n’est pourtant pas ce qui a manqué dans le parcours de toutes ces femmes dont la vie active a été consacrée à l’enseignement, dans la région de Saint-Hyacinthe, mais aussi dans d’autres provinces, voire même d’autres pays. « Chaque année, raconte soeur Marguerite Dubois qui célébrait ses 95 ans le jour de notre rencontre, il y avait deux retraites à la maison-mère. Nous recevions notre obédience pour la prochaine année, c’est-à-dire que nous savions, à ce moment-là, où nous irions travailler au cours des mois à venir. Un chant accompagnait alors cette « cérémonie de l’envoi », mentionne soeur Marguerite qui me sourit et entonne ledit chant avec beaucoup de grâce et aucune fausse note : Partez sans crainte vers d’autres cieux. La Vierge, douce et sainte, vous suit des yeux. Aux jours de peine ou de danger, priez-la qu’elle vienne vous protéger. « Certaines d’entre nous versaient quelques larmes », précise-t-elle. Pour soeur Alice Chèvrefils, ce ne sont pas quelques larmes, mais bien un torrent qui s’est déversé, il y a quelques années, quand est venu le temps d’exprimer son opinion à propos du choix de fermer l’une des deux résidences de la communauté, au Manitoba. « Au moment où j’allais livrer mon point de vue à mes compagnes, de vive voix, et alors que je me croyais en plein contrôle de la situation, il y a un hurlement qui est sorti de ma gorge et je me suis mise à sangloter très fort. J’étais inconsolable. Pour l’instant, quand je pense au déménagement aux Jardins d’Aurélie, ça va, mais qui sait comment je réagirai quand viendra le moment de quitter la maison mère », se demande-t-elle, songeuse. « Il y a des lieux « parlants » dans notre vie actuelle, affirme pour sa part soeur Monique Pion. La chapelle et le tombeau de mère Saint-Joseph notamment. Ce seront des renoncements à faire pour plusieurs d’entre nous, mais moi, je ne vois pas ça de la même façon. Le climat d’intériorité que je trouvais à la chapelle, je pourrai le recréer avec mes consoeurs, une fois rendue là-bas. Pour moi, les êtres humains sont plus importants que les lieux. L’âme d’une maison, ce sont les personnes qui y vivent. » « Un an, c’est encore loin, dit quant à elle soeur Réjeanne Éthier. Pour l’instant, je ne peux pas dire que ça me touche au coeur, mais en fait, je ne sais pas trop comment je réagirai quand viendra le temps de quitter. »

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