22 novembre 2012 - 00:00
Le droit à l’essentiel
Par: Le Courrier

L’Organisation des Nations Unies a adopté en 1948 la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaissant aux citoyens des pays signataires le droit à la vie, à la liberté, à la justice, etc.

Ce n’est qu’en 2010 que le droit à l’eau potable y a été inclus. Aujourd’hui, plus de 2,6 milliards de personnes manquent d’eau potable. Les conséquences sont souvent dramatiques : déshydratation, maladies infectieuses propagées par l’eau contaminée, manque d’éducation lorsqu’il faut marcher longtemps pour avoir accès à l’eau. Dans les pays industrialisés où l’eau abonde, on l’a utilisée sans compter pour la retourner au cours d’eau une fois polluée. Jusqu’au milieu du 20e siècle, l’installation d’usines de filtration permettait de retrouver une eau de qualité. Mais depuis, notre soif d’eau a mené à toutes sortes d’excès. On assèche des fleuves (Colorado), des mers (la mer d’Aral) et des nappes phréatiques (Inde, Israël, Midwest américain) pour embouteiller de l’eau, fabriquer des boissons gazeuses ou pour faire pousser des cultures inadaptées en plein désert. Et la technologie permet d’aller chercher l’eau de plus en plus en profondeur, à condition de pouvoir se la payer. Les moins bien nantis n’ont d’autre choix que de s’en passer ou de quitter leur terre, même dans les pays dits développés. En 2008 à Détroit, des milliers de familles se sont vues privées d’eau potable parce qu’elles ne payaient pas leurs taxes. L’eau est devenue une denrée monnayable que les plus riches peuvent utiliser à volonté au détriment des plus pauvres. Les pays les plus farouchement opposés à la résolution de l’ONU sur le droit à l’eau (Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, États-Unis et Canada) ont adopté différentes formes de privatisation et de commercialisation de leur eau. On discute, en ce moment, dans presque toutes les provinces canadiennes de la création de marchés de l’eau, où des permis convertis en droits sur l’eau pourraient être négociés et vendus (comme les droits sur le pétrole). Et l’eau se vend cher. L’arrivée des marchés de l’eau en Australie en 1994 a fait grimper son prix de 2 $ le mégalitre à 2 400 $ dix ans plus tard (1). Au Canada, l’eau fait partie de la liste des biens échangeables de l’ALENA. L’accord interdit « d’adopter ou de maintenir une restriction à l’exportation ou à la vente d’un produit ». Le gouvernement canadien ne peut donc contrôler ses exportations en eau sans s’exposer à un panel de règlement des litiges (2). Pourtant, selon Louise Arbour, alors Haut-commissaire aux droits de l’homme, « les États doivent (…) réglementer et contrôler les fournisseurs d’eau potable » (3). Alors, l’eau est-elle un bien échangeable ou un droit fondamental? Quelle voie choisirons-nous? (1) « Selling Out Consumers : How Water Prices Increased After 10 of the Largest Water System Sales », Food and Water Watch, Washington, juin 2011. (2) ALENA article 309.1 (3) Report of the United Nations High Commissioner for Human Rights on the scope and content of the relevant human rights obligations related to equitable access to safe drinking water and sanitation under international human right instruments, 16 août 2007. -30-

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