6 avril 2017 - 00:00
Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers
Par: Rémi Léonard
Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers

Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers

Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers

Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers

Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers

Le feu d’une vie pour Jacques Desrosiers

Après les flammes, Jacques Desrosiers a dû affronter les journalistes, qui étaient nombreux à Saint-Hyacinthe en ce 7 avril 1992, puisque plusieurs médias nationaux avaient dépêché des représentants sur place. Photo Patrick Deslandes | Le Courrier ©

Après les flammes, Jacques Desrosiers a dû affronter les journalistes, qui étaient nombreux à Saint-Hyacinthe en ce 7 avril 1992, puisque plusieurs médias nationaux avaient dépêché des représentants sur place. Photo Patrick Deslandes | Le Courrier ©

Quand on demande à un Maskoutain (d’un certain âge) s’il se souvient de l’incendie du Collège Saint-Maurice, chacun parvient à retrouver dans sa mémoire une anecdote à raconter. Quant à Jacques Desrosiers, le chef du service incendie à cette époque, il connaît sur le bout des doigts chaque instant de cette journée du 7 avril 1992.


Plus qu’une simple intervention, cet événement aura finalement occupé tout un pan de sa carrière, et l’a même suivi jusqu’à la retraite en raison d’une saga judiciaire qui s’est éternisée (voir autre texte). Pendant 20 ans, il a dû défendre la performance de son service incendie cette journée-là. Au moins le tiers de son temps était alloué à cette cause dans les années qui ont suivi l’incendie, a soutenu le chef Desrosiers. Il a d’ailleurs minutieusement recensé chaque minute, chaque communication radio, chaque décision prise lors de cette intervention dans un volumineux dossier élaboré pour la défense de la Ville.

« Lors d’une intervention comme ça, tu peux faire un constat et prendre une décision à la minute en moyenne. Par après, chaque instant est analysé en détail par des experts. C’est difficile pour un chef pompier parce que tu es comme mis à nu. Il y a aussi toujours la crainte d’être poursuivi en tant qu’individu », a-t-il exprimé. Bien des années après les faits, il devait encore participer à des réunions de temps à autre, même après avoir quitté le service incendie pour la retraite en 2000. « Certains chefs ont quitté leur poste [après une poursuite importante], mais j’ai choisi de rester. Je sentais que j’avais l’appui du maire, Clément Rhéaume et du directeur général, Alain Rivard. Il fallait quand même tout le temps se replonger là-dedans, tu ne peux jamais vraiment décrocher », a témoigné Jacques Desrosiers.

Ce n’est qu’à la fin 2012 qu’il a reçu une lettre par la poste pour l’informer qu’une entente était survenue entre les assureurs de la Ville et ceux de la congrégation, mettant un terme à cette interminable affaire. C’est avec soulagement que le retraité a enfin pu tirer un trait sur cet événement. 

7 h 51, le 7 avril 1992

Pour les besoins de la cause, LE COURRIER a quand même fait replonger Jacques Desrosiers dans cette journée fatidique, 25 ans plus tard. Le chef de la division incendie se rappelle avoir reçu l’appel le matin à son domicile. Dès qu’il a entendu « 650 Girouard » dans le combiné, il savait très bien quel bâtiment était en jeu. « Depuis 1985 qu’on travaillait côté prévention avec les sœurs pour mieux protéger la maison-mère. Des améliorations avaient été apportées, mais il restait encore du travail à faire. C’est triste parce que toute l’énergie dépensée par les sœurs en prévention n’a pas suffi à sauver le bâtiment », a déploré le chef pompier.

Sur place, il constate rapidement que le feu est pris dans la structure. « Pour un pompier, c’est le pire incendie que tu ne peux pas avoir, surtout dans un bâtiment comme celui-là. Il y a beaucoup de vide dans la structure et le feu court rapidement dans les murs », a-t-il expliqué.

Après un bref combat contre le feu, Jacques Desrosiers voit bien que ses hommes n’auront pas le dessus. Il prend alors la décision qu’il juge déterminante pour la suite : retirer des effectifs de la lutte contre l’incendie pour maximiser l’évacuation du bâtiment. Le chef salue à ce chapitre la discipline de ses hommes, qui ont su suivre ses instructions « même si un pompier, par sa nature, veut toujours aller combattre le feu ».

Un quart de siècle plus tard, il juge toujours ce choix judicieux. Aucune vie n’a en effet été perdue ce jour-là. « Au moment de prendre cette décision, je savais déjà que le bâtiment était perdu. Si j’avais attendu quinze minutes de plus, il y aurait peut-être eu des morts », a révélé Jacques Desrosiers. Une fois l’évacuation terminée, l’incendie a rapidement pris des proportions démesurées en se propageant à pratiquement tout le complexe, sans que les lances des pompiers ne puissent y changer grand-chose.

Si tous s’accordent pour dire que la destruction de la maison-mère a été une perte patrimoniale incommensurable, personne à Saint-Hyacinthe ne voulait revivre un autre Collège Sacré-Cœur. Des critiques sur le travail des pompiers ont néanmoins fusé le jour même de l’incendie, selon ce que rapportent les archives du COURRIER.

L’évacuation a été davantage applaudie. Le succès de l’opération est grandement associé au travail des ambulanciers, a tenu à rappeler le chef Desrosiers. L’équipe de Roger Fontaine et les escouades d’urgence de l’Hôtel-Dieu et de l’Hôpital Honoré-Mercier ont permis une prise en charge efficace des religieuses évacuées.

Des religieuses turbulentes

L’opération n’a pourtant pas été facile avec les nombreuses religieuses alitées ou à mobilité réduite qui étaient à l’infirmerie. Paradoxalement, ce sont les plus en forme qui auront finalement ralenti les pompiers, s’est rappelé Jacques Desrosiers. « On procédait à l’évacuation étage par étage, puis un pompier a entendu des pas au-dessus de nous. S’il restait quelqu’un à l’intérieur, on savait qu’il pouvait en rester d’autres. En tout, on a dû faire trois fouilles parce que des sœurs revenaient vers la maison-mère par un passage qu’on ne connaissait pas », a-t-il raconté. 

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