29 septembre 2011 - 00:00
Le luxe de la glace
Par: Hélène Dion

« Le luxe débute à… -10°C ». C’est ce que l’épigraphe du livre Icewine, coécrit par Donald Ziraldo et Karl Kaiser, annonce d’emblée. Le vin de glace, par son incroyable finesse, est effectivement un produit somptueux qu’il est difficile d’ignorer tellement il est bon.

Donald Ziraldo, l’un des pionniers de la viticulture au Canada, était à Montréal la semaine dernière pour faire découvrir les vins de glace du domaine Equifera, situé dans la péninsule du Niagara.

Celui qui est connu pour avoir fondé Inniskillin avec Karl Kaiser en 1974, s’est associé au domaine ontarien. Il en est désormais l’ambassadeur et dirige la production des vins de glace. À propos de ce vin, M. Ziraldo est sans équivoque : « C’est une expérience en soi, une explosion d’arômes et de saveurs ».

Situation

Equifera est situé à Pelham, dans la région de Short Hills, sur un peu plus de 20 hectares de vignes plantées. La région qui longe l’escarpement du Niagara, lequel dormait sous les chutes du Niagara il y a 12 000 ans, bénéficie d’un courant d’air, créé par le Lac Ontario, modérant les froides températures d’hiver et en évitant les gels printaniers.

Dans la Péninsule du Niagara, l’activité glaciaire a façonné le paysage, creusant les fameux Grands Lacs. Le micro-climat qui s’impose permet non seulement la maturation des raisins durant la période estivale, mais aussi le gèle de ceux-ci après la surmaturation avec une qualité exceptionnelle de la vendange.

Originaire d’Allemagne

Ce « phénomène » possible dans les pays nordiques, a pris naissance en Allemagne au 18e siècle. On nomma Eiswein ce vin découvert par pur hasard sur des raisins qui avaient gelé sans que ce soit voulu. Après avoir pressé ces raisins, les vignerons furent surpris de l’énorme potentiel de ce jus concentré.

Au Canada, c’est le début des années 70 qui marque la naissance du vin de glace, nommé Icewine en Ontario et en Colombie-Britannique. D’après John Schreiner, dans son « Icewine – The Complete Story », ce serait Walter Heinle qui aurait élaboré le premier vin de glace canadien dans la Vallée de l’Okanagan, en 1973 précisément. Quelques règles très précises, établies par la Vintners Quality Alliance (VQA), légifèrent le Icewine. Parmi celles-ci, les raisins doivent être cueillis après le 15 novembre à des températures d’au moins -8°C et doivent provenir de vignes « vinifera », c’est-à-dire les cépages nobles comme le Riesling, à l’exception de l’hybride Vidal. À noter que le Québec ne fait pas partie de cette législation, notamment à cause de l’utilisation de cépages comme le Maréchal Foch, le Vandal-Cliche, etc., dans l’élaboration de ses vins de glace. En 2004, plus de 800 000 demi-bouteilles étaient commercialisées au Canada à des prix au-delà de 50 $ la demi-bouteille. Le prix s’explique notamment par les petites récoltes de raisin. Une fois pressurés, les raisins ne donneront que 10 à 15 % d’une vendange normale. Tous les vins du domaine Equifera portent l’appellation Vintners Quality Alliance (VQA) et si les Chardonnay, Pinot Noir et Syrah font partie de la production, Donald Ziraldo n’est en charge que de la direction des vins de glace. Ceux-ci sont élaborés avec les cépages Riesling, Vidal et Cabernet Franc pour le rouge (ce dernier n’est pas disponible au Québec). « Ce sont pour moi les trois cépages les plus importants pour l’élaboration du vin de glace », a-t-il précisé.

Les conditions idéales

Les conditions extérieures doivent être parfaites afin de pouvoir extraire du raisin un jus concentré et capable d’être pressé.

« Le secret réside dans cette délicate balance entre l’acidité et le sucre », explique Donald Ziraldo. Le contraire, avec un manque d’acidité, produirait un vin lourd, plat et mou. Des expériences sur des raisins gelés à -17°C ont démontré que les presses pouvaient être brisées suite au pressurage. La récolte réalisée autour de -11°C permet donc d’extraire la concentration, la fraîcheur et le pressurage s’effectue sans encombres. Pour Donald Ziraldo, au-delà des conditions idéales pour élaborer des vins de glace, le Canada est intrinsèquement lié à cette idée du froid, des montagnes enneigées, du hockey et finalement, du meilleur vin de glace au monde.

Les accords

L’accord traditionnel imposant un « vin sucré » avec les desserts n’est plus la seule règle qui prévaut. Avec le foie gras, le vin de glace fait des merveilles, mais ajoutez-y une petite compote de fruits noirs aromatisée d’épice douce et servez avec un vin de glace rouge. Ou alors servez cette compote avec une pièce de viande pour créer une harmonie avec votre vin de glace.

Le vin de glace blanc vous rendra une bonne expérience avec une mousse au citron ou une volaille cuisinée « sucrée » avec des épices telles le gingembre et les épices indiennes. Avec le fromage bleu, accompagné de miel de trèfle, c’est un accord assuré. Le plus important est de laisser aller votre imagination en vous souvenant qu’il importe de prendre en considération la teneur en sucres, la vivacité (acidité) et la longueur en bouche de votre vin de glace.

Martini au vin de glace

Donald Ziraldo promet une expérience unique avec un Martini au vin de glace. Pour trois parts de Vodka, ajoutez une part de vin de glace, agitez, puis versez dans un verre à Martini préalablement refroidi. Riesling 2009 – VQA Niagara Peninsula – Equifera – Code SAQ : 11575951 – Prix : 73,25 $

La brillance de la robe annonce déjà la vivacité du vin. Au nez fin et aromatique, on dénote des arômes d’agrumes, de litchi et d’abricot. En bouche, bel équilibre entre la fraîcheur et la richesse des quelque 272 grammes de sucres résiduels par litre.

Vidal 2008 – VQA Niagara Peninsula – Equifera – Code SAQ : 11575942 – Prix : 59,25 $

Au nez, plus exubérant que le Riesling, avec des notes de fruits blancs, de mangue, de pâte de fruits. La bouche est ample, fine, longue. Mon préféré!

image