3 janvier 2013 - 00:00
Littérature
Le sang du cerf : le trophée du chasseur
Par: Le Courrier
<em>Le sang du cerf</em>, Rosalie Lavoie, Leméac, 2012, 120 p.

<em>Le sang du cerf</em>, Rosalie Lavoie, Leméac, 2012, 120 p.

<em>Le sang du cerf</em>, Rosalie Lavoie, Leméac, 2012, 120 p.

<em>Le sang du cerf</em>, Rosalie Lavoie, Leméac, 2012, 120 p.

Pour son premier roman, Rosalie Lavoie s'est lancée dans la rédaction d'un récit audacieux. Court, mais intense, Le sang du cerf relève les tensions trop souvent silencieuses et met au jour le malaise que peut provoquer chez certaines personnes les êtres qui ne s'inscrivent pas dans l'ordre social.

Paru en août, Le sang du cerf ne sera assurément pas le dernier roman de cette auteure qui a effectué ses études en littérature. Présenté sous forme de roman, ce livre plonge le lecteur dans un univers ou la violence physique n’est rien à côté de la violence verbale et nous présente, par son contenu, le trophée de chasse d’un agresseur, qui, dans ce cas-ci, est le narrateur.

Lui, écrivain reconnu et professeur de littérature apprécié, vient d’assassiner Hannah une « violoniste grotesque », une « tache dans l’harmonie sociale », parce qu’il ne pouvait supporter l’indifférence de cette dernière à son endroit et n’a donc pas pu s’empêcher de s’en approcher jusqu’à commettre l’irréparable.« La violence n’était pas dans l’acte qui a causé ta mort Hannah, mais dans tous les actes qui dans ta vie ont mené à celle-ci. Il n’y avait aucune porte de sortie. Tu dérangeais. Et la vision de ta présence dans l’espace était une épreuve, le rappel d’une nature désertée par les autres », écrit le narrateur.Dès les premières lignes du roman, l’auteure met le lecteur à l’épreuve. Ne serait-ce que pour l’indifférence dont fait preuve l’agresseur à l’égard de sa victime. Mais également parce qu’elle utilise une narration omnisciente, au vous. Elle écrit : « Vous êtes allongé sur le lit à côté du corps inerte. Votre respiration est lente, calme, les yeux sont fermés, mais vous ne dormez pas. » C’est ainsi que commence le récit.Mais c’est surtout lors de la mise en abîme, récit qu’écrit le narrateur alors qu’il est couché aux côtés du corps en décomposition, que Le sang du cerf adopte un discours misanthrope. « Tu étais quelqu’un qui appelle le meurtre. Il y a des gens comme ça, et par moi la mort a trouvé sa voix […] On avait honte pour toi, de toi. Honte de ce petit corps noueux et chétif, honte de cette gueule de martyre […] Tu étais faite pour être tuée; par moi, par d’autres, par tous », écrit le narrateur.Malgré le mépris de ce dernier envers sa proie, il fait néanmoins de cette « non-personne », le personnage principal de son histoire qui prend davantage les allures de confessions dans lesquelles il prend plaisir à dépeindre les aspects à la fois répugnants et attirants de sa victime. Écrit avec une plume magnifiquement maîtrisée, Le sang du cerf est un roman efficace qui ramène le lecteur à la loi du plus fort. Mais où le plus fort, un être narcissique sans remords, devient un être facilement ébranlable devant l’attitude imperturbable de sa proie.

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