15 août 2013 - 00:00
Le soufre dans le vin
Par: Hélène Dion

Dans la lancée des vins bios dont il a été question dans la précédente chronique, poursuivons avec les sulfites et leurs effets. Sont-ils nocifs? À quoi servent-ils? Quelles sont les astuces pour continuer à déguster des vins sans être trop incommodés? Je tenterai d’y répondre dans cette chronique.

Selon Santé Canada, les sulfites font partie des 10 allergènes alimentaires principaux, ou plutôt d’une intolérance. Mais est-ce que les sulfites sont responsables de tous les maux? Tout n’est pas si certain. Les symptômes survenant après une soirée arrosée de vin, mis à part l’abus bien sûr, pourraient avoir un lien avec l’histamine présente dans les vins (surtout les rouges). En dilatant les vaisseaux sanguins, cette amine biogène d’origine fermentaire provoque des maux de tête, notamment. Mais tout est à l’étude encore…

À quoi servent les sulfites?

On pointe du doigt le vin dès qu’il est question de sulfites. Et pourtant, plusieurs aliments qui se trouvent dans notre armoire en contiennent!

La raison est simple. Les sulfites agissent notamment sur la conservation des aliments. Les fines herbes séchées, les jus de fruits et de légumes, les condiments, les céréales et les biscuits sont quelques-uns des aliments qui en contiennent. Le soufre (anhydride sulfureux, SO2, sulfites, dioxyde de soufre sont quelques-uns des noms donnés au sel de l’acide sulfureux) sert d’antioxydant, d’antiseptique et de fongicide. Il peut être ajouté durant tout le processus d’élaboration du vin, de la réception de la vendange jusqu’à la mise en bouteille. C’est à cette dernière étape que les sulfites peuvent causer des problèmes aux personnes sensibles car ils sont à l’état libre.

À l’état libre?

Le vin en fermentation produit des sulfites naturellement et le soufre ajouté durant son élaboration se combine à la structure du vin. Au moment de consommer, ces sulfites combinés n’ont plus d’effet.

À la mise en bouteille, un peu de soufre est généralement ajouté au vin pour assurer sa stabilité au niveau de la couleur, de la préservation des arômes et éviter le risque de troubles telle que la piqûre acétique (vinaigre). Ces sulfites ajoutés sont actifs (libres) car ils ne sont pas combinés à la structure du vin. Dans le vin rouge, la présence d’anthocyanes et de tanins demande des quantités moindres de soufre puisqu’ils agissent en protecteurs naturels. D’autre part, les vins blancs et les vins sucrés (liquoreux) nécessitent plus de soufre. Ces derniers, avec leurs sucres résiduels présents dans la bouteille, pourraient repartir en fermentation dans certaines conditions. Le soufre bloque ce phénomène naturel. D’autre part, le soufre mal utilisé peut créer des soucis au maître de chai. À forte dose, ils risquent d’engendrer une odeur d’oeuf pourri ou d’augmenter la perception de dureté d’un vin. Ils peuvent aussi accentuer l’impression de dureté de l’acidité des vins blancs et des tanins des vins rouges.

Des vins sans sulfites?

Selon la réglementation européenne, l’indication « contient des sulfites » est obligatoire à une teneur minimum de 10 milligrammes par litre.

Dans un monde idéal, il n’y aurait aucun soufre ajouté. Pour cela, il faudrait une vendange saine, une hygiène sans reproche dans le chai, et une conduite de la vinification impeccable. C’est possible, mais ce n’est pas toujours le cas des vins nature qui nous arrivent ici avec une couleur orangée et des arômes d’oxydation. Au Québec, vous aurez du mal à trouver des vins sans sulfites. Même les vins bio en contiennent. Il faut faire affaire avec les agences en importation privée et se procurer des vins « nature » qui ne comportent généralement pas de sulfites ajoutés. Le vignoble québécois Les Pervenches propose, dans certains millésimes, des vins sans soufre ajouté. Tout comme le Clos Saragnat qui élabore un Vin de paille bio et sans soufre ajouté. Par contre, tous les vins vendus en épicerie ou à la SAQ doivent en contenir afin d’être « marchands ». Les vins sans soufre sont souvent instables et voyagent très mal en plus de la fragilité de la couleur qui tend à s’oxyder rapidement. À la SAQ, une quantité maximale est tolérée : 50 milligrammes de sulfites libres et 250 milligrammes de sulfites combinés. Généralement ces quantités sont moindres.

Des astuces?

Ces sulfites, bien qu’utiles, provoquent des malaises chez certaines personnes. Mais pour un amoureux du vin, difficile de résister à l’envie d’ouvrir une bonne bouteille! Astuce : cherchez les millésimes moins récents, de cinq ans et plus.

« Pour que les sulfites soient actifs, ils doivent être sous leur forme libre. Avec le temps, le SO2 libre se combine progressivement », explique Richard Bastien, oenologue et propriétaire du Domaine Henri Richard à Gevrey-Chambertin. Après, les sulfites n’ont plus d’effets sur le consommateur car ils sont intégrés à la structure de vin. Une autre astuce consiste à aérer votre vin avant de le consommer puisque l’oxygène fait baisser les taux de sulfite libre. Le fait d’ouvrir une bouteille à l’avance n’a pas d’effet, car l’échange avec l’oxygène est trop minime. Il faut utiliser une carafe de 30 minutes à une heure avant de déguster ou bien se servir d’un aérateur. Dans tous les cas, il ne faut pas oublier que l’abus est bien souvent responsable du mal de tête!

Suggestion vin

Les Hauts d’Éole, Crozes-Hermitage 2009, Cave de Tain L’Hermitage, Code SAQ : 11873341, Prix : 24,60 $

Ce blanc vous fera plaisir avec la richesse et le volume qu’il offre. Bel équilibre entre la fraîcheur et le gras qui sera magnifique avec un poisson à la crème. Passez-le en carafe pour lui permettre de s’ouvrir une vingtaine de minutes à l’avance.

Question de la semaine

Qu’est-ce qu’un vin de paille?

La réponse suivra dans la suivante, les chroniques vins étant publiées toutes les deux semaines dans LE COURRIER.

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