23 septembre 2021 - 07:00
Dossier Exceldor
Le tapis rouge en zone verte
Par: Le Courrier

La deuxième fois aura été la bonne. À son deuxième essai devant la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), la Ville de Saint-Hyacinthe, avec l’aide de la MRC des Maskoutains, a réussi à convaincre le chien de garde de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles de lui concéder 10 hectares de bonnes terres agricoles dans le prolongement du parc industriel Olivier-Chalifoux.

Saint-Hyacinthe espérait que la CPTAQ lui offre 24 hectares, mais elle était prête à se satisfaire de 13, et à se consoler avec 10, question de pouvoir accommoder la coopérative Exceldor. Cette dernière estimait à environ 14 hectares la superficie nécessaire pour y construire une nouvelle usine apte à remplacer ses vétustes installations de Saint-Damase.

Sous pression et ayant déjà fermé la porte à une demande d’exclusion de la Ville de Saint-Hyacinthe il y a deux ans, la CPTAQ a fini par se raviser, voire par se ravaler, mais en ne libérant qu’une zone de 10 hectares, ce qui pourrait compromettre une éventuelle phase 2. Mais avant de penser à ce qui pourrait se produire dans 10 ou 15 ans chez Exceldor, concentrons-nous sur le présent. N’en déplaise à l’Union des producteurs agricoles (UPA), la CPTAQ, malgré une apparence d’incohérence, a pris une décision éclairée.

Les commissaires ont certes changé leur fusil d’épaule, mais la Ville de Saint-Hyacinthe et Exceldor avaient surtout mieux présenté leurs arguments à la deuxième occasion.

Et bien que soucieux de protéger la ressource, les commissaires ne sont pas restés insensibles aux arguments économiques, à l’impact d’une décision négative sur la filière avicole et sur la très risquée délocalisation de l’usine de Saint-Damase à l’extérieur de la MRC des Maskoutains en ces temps de rareté de main-d’œuvre. Voilà autant d’éléments qui incitent à penser qu’Exceldor sautera à pieds joints sur cette opportunité inespérée il y a deux ans à peine et qu’elle se félicitera de 10 hectares offerts sur un plateau d’argent. Forte d’ailleurs d’une entente secrète conclue avec la Ville de Saint-Hyacinthe, elle trouvera sûrement moyen de maximiser l’espace pour fondre les deux phases projetées et consolider son investissement de 450 M$ et 600 à 1000 emplois à Saint-Hyacinthe. Dix hectares de terrain stratégiquement situé, cela offre un terrain de jeu fort intéressant. C’est une surface équivalente à 20 terrains de football.

Que doit-on maintenant espérer de la coopérative? Un engagement ferme, concret, maintenant que l’obstacle du terrain a été franchi. Presque franchi en fait. Il existe toujours la possibilité que l’UPA décide, d’ici une vingtaine de jours, de contester la décision devant le Tribunal administratif du Québec, mais souhaitons qu’elle se garde une petite gêne.

Déjà que sa façon de traiter ce dossier n’a pas fait l’unanimité dans ses propres rangs, il serait donc bienvenu qu’elle passe à autre chose. L’UPA avait fait de ce dossier local un enjeu national, la cause de toutes les causes en matière de péril alimentaire et de disparition de la zone agricole. Elle a voulu faire de Saint- Hyacinthe un exemple, mais n’a pas totalement réussi son coup. L’échec que renvoie la perte de 10 hectares a certainement un goût amer, mais les représentations et les mises en garde de l’UPA n’ont pas été vaines, au contraire. Elles ont incité la Ville de Saint-Hyacinthe à consolider des espaces agricoles sur son territoire par des engagements fermes, en l’occurrence des baux, avec l’ITAQ et le Centre de services scolaire de Saint- Hyacinthe. La zone agricole est donc plus vaste aujourd’hui chez nous qu’elle ne l’était malgré la décision de la CPTAQ.

C’est ce que l’on doit garder en tête. Il n’y a aucun scandale dans cette conclusion ni rien pour déchirer sa chemise à carreaux. Cette conclusion n’est pas déraisonnable, d’autant plus que la CPTAQ en a profité pour servir des mises en garde bien senties à l’endroit de la Ville et ses envies d’empiétement en zone agricole dans le secteur du parc Olivier-Chalifoux.

Il est maintenant temps de préparer la suite. Le déménagement de l’usine Exceldor et son essor à Saint-Hyacinthe. Mais d’ici là, pourquoi ne pas commencer par dire aux Maskoutains ce que la Ville de Saint-Hyacinthe a consenti à faire pour attirer et convaincre Exceldor?

On a maintenant le droit de savoir.

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