16 mai 2013 - 00:00
L'Alzheimer et les aidants naturels
Les beaux moments sont possibles
Par: Véronique Lemonde
Yvan Boulay

Yvan Boulay

Yvan Boulay

Yvan Boulay

Avec détails, Yvan Boulay se souvient d'un moment béni avec sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer, aujourd'hui décédée depuis novembre 2011. Vous savez ce genre de moment qui l'espace de quelques minutes ou de quelques heures, vous redonne avec clarté la personne qui est devant vous. À nouveau, vous connectez, car l'Alzheimer n'est pas que noirceur et oubli.

« Quelques mois avant sa mort, j’ai apporté des fraises à ma mère qui était à l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe. Elle adorait les fraises et l’été, c’était pour elle magique avec « ses » fraises, indique Yvan Boulay qui s’implique cette année dans la Marche de la mémoire de la Société Alzheimer des Maskoutains – Vallée des Patriotes. Elle a alors goûté une fraise et cela a rallumé plusieurs de ses souvenirs pendant au moins 30 minutes. Ce fut le dernier moment de « vrai » contact que j’ai vécu avec elle. Parfois, une saveur, une odeur ou une musique ramène les personnes qui ont l’Alzheimer. Il faut savoir rester attentif à ces bribes de lucidité. »

Entre nos vies très actives, le travail, les enfants, la personne qui vit avec l’Alzheimer change constamment sous nos yeux, ce qui est très difficile pour la famille proche et les aidants naturels. Des premières désorganisations et oublis banals, il y a la fatigue de la personne, son regard qui change, sa présence qui s’estompe, un lien qui se perd, jusqu’à l’oubli total de qui nous sommes pour elle. « De son fils ou mari, tu deviens quelqu’un parmi tant d’autres qui la visite. Elle me disait alors « bonjour monsieur », ça, c’est dur les premières fois. Tu vis des deuils à chaque visite et finalement tu te dis, je m’en vais voir une dame qui ressemble à ma mère. C’est difficile à vivre et je pense qu’il ne faut pas vivre cela seul. C’est pourquoi la Société Alzheimer aide beaucoup avec ses groupes de soutien, ses conférences ou son service téléphonique. Nous n’avons pas le réflexe d’aller vers des ressources, car la vie va très vite, mais nous n’avons pas, non plus, à tout porter sur nos épaules seuls », précise Yvan Boulay.

S’impliquer pour redonner

Yvan Boulay l’avoue, il lui a fallu un peu de temps pour décider de s’impliquer avec la Société Alzheimer. « Cette implication part d’une réalité que j’ai vécue et je devais attendre d’être rendu là, d’être prêt, d’avoir vécu tous mes deuils. Puis, j’ai eu envie de transformer cette expérience et de redonner aux autres qui passent maintenant par là. »

Dans la maladie de sa mère, il avoue tout de même que son père et lui ont eu la chance que cette dernière soit rapidement prise en charge. « Mon père a fait de son mieux, mais il la voyait se désorganiser et il est devenu très fatigué. C’était 24 heures sur 24 avec elle, jamais de répit. Après un an, il en pleurait. Nous avons alors eu la chance qu’elle puisse aller à l’Hôtel-Dieu rapidement. » L’idée de ne pas en avoir fait assez pour la personne et un sentiment de culpabilité lourd sont alors le lot des aidants naturels. « C’est dur de voir que nous ne pouvons pas faire plus pour cette personne que nous aimons, mais nous pouvons toujours continuer à vivre de beaux moments avec elle. Il faut miser sur les souvenirs d’un passé plus lointain, car les personnes Alzheimer se souviennent beaucoup plus de ces choses que de ce qui a eu lieu il y a quelques heures. Il faut prendre le temps d’écouter la personne si elle raconte des choses sur son enfance ou sur ses parents par exemple, car on apprend tellement sur nous également. Ces souvenirs étaient précieux pour moi quand ma mère les évoquait. C’est une maladie terrible, mais si l’on se laisse aller, si l’on suit nos sentiments, nous pouvons vivre de belles surprises également », conclut M. Boulay.

image