8 mai 2014 - 00:00
Lettre à Martine Ouellet
Par: Le Courrier

Ma chère Martine,

C’est avec intérêt que j’ai lu le bilan que vous faites de vos 18 mois au ministère des Ressources naturelles. Depuis le début du débat au sujet des gaz de schiste, j’ai apprécié vos positions dans ce dossier. J’ai apprécié que vous soyez venue manifester avec nous devant le puits qui fuit situé sur le rang Salvail, à La Présentation. Je veux, également, vous remercier d’avoir déposé à l’Assemblée nationale les quelque 28 000 lettres « Vous n’entrerez pas chez nous » qui indiquaient clairement que les gazières n’étaient pas les bienvenues dans nos terres. En acceptant de déposer ces lettres en avril 2012, vous avez officialisé le travail de milliers de bénévoles qui avaient patiemment expliqué aux citoyens toutes les implications négatives de cette industrie. Là où je ne suis pas d’accord avec votre bilan, c’est lorsque vous dites « […] oui à une possible industrie pétrolière québécoise […] ». Au Québec, toutes les études indiquent que les hydrocarbures conventionnels sont une quantité négligeable. Par conséquent, l’industrie pétrolière devrait obligatoirement utiliser la fracturation hydraulique à grande échelle! Comme vous le savez, cette technique cause des problèmes environnementaux énormes; vous en avez été témoin lors de votre voyage en Pennsylvanie. Vous savez que cette technique met en péril nos ressources en eau. L’efficacité de la fracturation est lamentable; elle peut récupérer économiquement environ 20 % du gaz présent dans les schistes et un misérable 1,2 % du pétrole. Pire, les carburants fossiles non récupérables, c’est-à-dire la vaste majorité, seront un leg toxique pour les générations à venir. Ces activités menacent d’autres secteurs économiques comme l’agriculture, les pêcheries et le tourisme. C’est pour ces raisons que vous aviez présenté une pétition à l’Assemblée nationale contre la fracturation.Pendant les élections de septembre 2012, le programme de votre parti était le reflet des positions que vous aviez défendues sur la place publique. Mon désarroi a été grand lorsque je me suis graduellement aperçu que les politiques de votre gouvernement faisaient un virage de 180 degrés; il abandonnait une politique énergétique axée sur de faibles émissions de CO 2 du 21 e siècle pour revenir à une pétroéconomie du siècle dernier. Lorsque le projet de règlement sur l’eau a été présenté en juin 2013, ses normes étaient tellement complaisantes envers l’industrie pétrolière que je me suis demandé si M. Blanchet, votre deuxième ministre de l’Environnement (MDDEFP) n’était pas un lobbyiste agissant au nom de cette industrie! C’est dire toute ma déception! Je sais que les membres d’un gouvernement doivent fonctionner en équipe et respecter une certaine ligne de parti. Que certains comme vous se sont battus de « l’intérieur », mais que vous vous êtes fait marginaliser à l’intérieur même de votre caucus. Ce que je n’ai pas compris, c’est pourquoi votre gouvernement a renié ses engagements dans plusieurs domaines, dont celui de l’environnement. Les électeurs aiment les personnages qui affichent leurs convictions et qui savent communiquer leur vision de l’avenir avec enthousiasme. À ce titre, les maires Labeaume de Québec et Coderre de Montréal sont des exemples à suivre; même leurs adversaires les respectent. En jouant de stratégie partisane, plutôt que de défendre une vision de l’avenir, l’ensemble du gouvernement Marois a été sanctionné par le peuple. Fort de cette expérience malheureuse, je vous invite à reprendre votre droit de parole et à le défendre. Je vous invite à faire comme René Levesque a fait lors du « Lac à l’Épaule »; imposez votre vision à vos collègues par votre enthousiasme et un argumentaire impeccable. Ensuite, comme au temps de l’équipe du tonnerre de Jean Lesage, une approche pédagogique saura communiquer la justesse de votre vision à la population d’ici la prochaine échéance électorale.

Gérard Montpetit La Présentation

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