18 janvier 2018 - 00:00
Délit de fuite mortel à Saint-Jude
L’injustice
Par: Martin Bourassa

Il n’y a pas qu’à Montréal où des affaires judiciaires traînent en longueur au point de permettre à des accusés d’éviter de subir leur procès en raison de délais excessifs. C’est arrivé au palais de justice de Saint-Hyacinthe en septembre dernier et il n’y a pas lieu de s’en réjouir. C’est même plutôt inquiétant puisque rien ni personne ne semble imputable de cette justice à une vitesse : lente comme une tortue malade.


C’est la faute du système se borne-t-on souvent à dire dans pareilles circonstances, une excuse bien pratique quand on fait justement partie du système en question, donc du problème.
Dans l’affaire qui nous intéresse autant qu’elle nous ébranle, elle concernait le décès d’un jeune cycliste de 15 ans fauché à mort par un automobiliste sur le rang Salvail à Saint-Jude. L’image pénible du vélo tordu en bordure du fossé était apparue en page 3 de notre édition du 24 novembre 2011, surplombant un texte décrivant les circonstances du délit de fuite et des efforts des policiers pour retrouver le chauffard. On apprendra plus tard son arrestation, puis en avril 2012, celle de trois présumés complices soupçonnés d’avoir nui à l’enquête en détruisant une pièce à conviction.
Le chauffard a été condamné en septembre 2013 à une peine de 42 mois de prison ferme. Une peine qui a été qualifiée de sévère considérant la jurisprudence pour de pareils crimes, mais une sentence qui sera toujours insuffisante pour les proches de la victime.
Du côté des trois autres individus en liberté sous diverses conditions depuis avril 2012, ils ne seront jamais déclarés coupables ni innocentés. Ils conserveront pour longtemps l’étiquette de « présumés complices » puisqu’un juge a mis fin aux procédures en raison des délais excessifs entre leur mise en accusation et la fin anticipée du procès.
À elle seule, sachez que l’enquête préliminaire a débuté le 10 novembre 2014, pour cinq jours, n’a repris qu’un an plus tard pour trois autres jours, puis s’est terminée le 15 mars 2016 au terme d’une neuvième journée d’auditions.
Or, pour un tel dossier, la Cour suprême a fixé à 30 mois le délai maximal pour l’ensemble des procédures. Dans cette affaire, la cause se serait étirée sur une période deux fois plus longue s’il y avait eu procès, pour un délai net d’environ 50 mois, une fois soustrait le délai pouvant être imputable à la Défense.
Délais déraisonnables a donc considéré le tribunal. Il a bien raison. Prendre plus de cinq ans pour juger une telle affaire n’a aucun sens. Tout comme il apparaît insensé de devoir attendre aussi longtemps avant de pouvoir se défendre et laver sa réputation, si on croit avoir été injustement accusé.
Reste qu’un tel délai semble quand même assez court quand on pense aux parents de l’innocente victime. Eux, ils devront composer pour le restant de leur vie avec la perte d’un enfant. Ils devront apprendre à vivre avec cette douleur et le sentiment que notre système de justice se traîne les pieds.

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