26 mai 2011 - 00:00
Wilfrid Laurier
« Ne regardons pas au passé, mais seulement à l’avenir »
Par: Fabienne Costes

Cette phrase, Sir Wilfrid Laurier la prononce lors d’une assemblée partisane à Ottawa, quelques semaines avant d’être terrassé par une attaque. Le grand homme a voulu ainsi faire la paix avec tous ceux qui l’ont trahi ou conspué pendant sa longue carrière politique. Une carrière faite de compromis ou de compromissions, selon le sens qu’on voudra donner aux actes. André Pratte nous explique tout dans cette courte biographie simplement intitulée Wilfrid Laurier.

S’il a voulu finir sa vie en ne regardant pas les blessures du passé, Sir Wilfrid Laurier a aussi écrit que c’est grâce à l’Histoire que nous découvrons les problèmes « dont nos pères eurent à s’occuper et la solution qui s’imposent à notre attention ».

Malheureusement, il semble que les Canadiens qui lui doivent l’unification du pays connaissent peu l’homme. En préambule de cette biographie, André Pratte évoque une étude de l’Institut Dominion, une organisation vouée à la diffusion de l’histoire du Canada. Pour cette étude, on a posé cette question à un échantillon de Canadiens : « Pouvez-vous nommer le premier Premier ministre francophone du Canada, celui qui a dit que le XXe siècle appartiendrait au Canada ? »Résultat : 25 % des Canadiens interrogés ont pu donner la bonne réponse et 22 % des Québécois ont reconnu la déclaration la plus célèbre de Sir Wilfrid Laurier. Évidemment, André Pratte le déplore. Pourtant, il ne souligne pas que cette ignorance est due au fait que l’on ne s’entend pas dans ce pays sur une Histoire commune.La question de ce que l’on enseigne dans les écoles n’est pas posée. Enfin, versus les États-Unis et la France qui produisent un grand nombre de films historiques, très peu se font au Canada. On sait les passions que soulèvent un quelconque événement historique : il suffit de dire plaines d’Abraham ou octobre pour déclencher l’ire générale.

Un homme poli

C’est ce combat qu’a mené toute sa vie Wilfrid Laurier, celui de calmer les passions pour tenter d’unir les hommes. En rêvant d’un Canada uni, il fut un précurseur. Mais, de son temps, il s’est mis beaucoup de monde à dos comme le Premier ministre britannique Chamberlain atterré par ses discours, chefs-d’œuvre d’ambiguïtés.Bien sûr, il a subi les sarcasmes du bouillant Henri Bourassa qui dira de Wilfrid Laurier, lors d’une élection en 1910 : « La gloire du Grand Homme est en train de sombrer, et c’est dans la crotte qu’elle s’enfonce. » Propos d’une surprenante vulgarité, d’autant plus que les deux hommes se connaissaient très bien. Laurier avait formé et lancé Bourassa en politique, impressionné par ce jeune homme brillant et plein de fougue.Alors que Laurier a toujours pensé que la minorité francophone devait jouer profil bas face à la majorité anglophone, le nationaliste Henri Bourassa pensait tout le contraire et voulait que soit reconnue l’égalité entre les deux langues. Deux points de vues irréconciliables. Pourtant, le « fairplay » de Laurier permettra aux deux hommes de se retrouver bien des années plus tard.Envers et contre tout, Wilfrid Laurier a travaillé sa vie durant avec pragmatisme et sans idéologie, à unir le pays. Grâce à ses talents d’orateur qui lui permettait de soulever les foules, à sa grande culture, à son impassibilité à toute épreuve, il a réussi l’impossible.Cette biographie qui est en grande partie la démonstration de la lutte entre deux hommes, Henri Bourassa et Sir Wilfrid Laurier, soulève un point : qu’aurait été Laurier sans Bourassa et vice versa? Interpellant.Wilfrid Laurier, André Pratte, Boréal, 2011, 208 p. >

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