15 novembre 2012 - 00:00
Oscar Dunn (1845-1885) : une carrière fulgurante, mais trop brève
Par: Le Courrier
Oscar Dunn : Gravure d’Edmond Z. Massicotte, Le Monde illustré, vol. 17 no 863. p. 449 (17 novembre 1900)

Oscar Dunn : Gravure d’Edmond Z. Massicotte, Le Monde illustré, vol. 17 no 863. p. 449 (17 novembre 1900)

Oscar Dunn : Gravure d’Edmond Z. Massicotte, Le Monde illustré, vol. 17 no 863. p. 449 (17 novembre 1900)

Oscar Dunn : Gravure d’Edmond Z. Massicotte, Le Monde illustré, vol. 17 no 863. p. 449 (17 novembre 1900)

612ch5t-histoire_d_ici

612ch5t-histoire_d_ici

Nous avons vu précédemment que les linguistes universitaires se référaient au glossaire d’Oscar Dunn, qui est pourtant un petit bouquin bien discret. Voyons maintenant qui est cet homme si « discret ».

Oscar Dunn est né à Côteau-du-Lac le 14 février 1845, fils du Dr William O. Dunn (de descendance écossaise protestante) et de Mathilde Beaudet, fille de Godefroy Beaudet et Zoé Lemaire-Saint-Germain. Malheureusement, ses parents décèdent la même année (1851). La garde légale d’Oscar et Donalda, sa petite soeur, fera l’objet d’une polémique judiciaire qui opposa les grands-parents Dunn et Beaudet. Finalement, ce sont ces derniers qui auront gain de cause en Cour d’appel en 1855. La soeur de sa mère, Odile, avait épousé en premières noces le Dr Robert Cartier de Beauharnois, qui décéda à peine un an après le mariage. En 1855, Odile épouse le notaire Louis Taché, fils de Charles Taché et Henriette Boucher de La Broquerie, et ils s’installent à Saint-Hyacinthe. Ces liens de parenté expliquent probablement l’inscription d’Oscar au Collège de Saint-Hyacinthe de 1856 à 1864. Durant ses études, il se lie d’une amitié profonde avec l’abbé François Tétreau qui, comme lui, est un orphelin depuis son enfance. Dans une de ses lettres, Dunn mentionne d’ailleurs : « Vous avez été pour moi un guide, un ami, plus que cela, un père. Un fils n’est-il pas reconnaissant envers son père? ». Cette amitié sincère contribue au développement intellectuel d’Oscar, qui passe plusieurs soirées « assis sur le vieux sofa » ou attablé devant des bouquins dans la chambre du professeur de rhétorique. C’est d’ailleurs avec Tétreau et ses confrères de classe, dont Jérôme-Adolphe Chicoyne, Pierre Boucher de La Bruère et Honoré Mercier, qu’ils se rencontrent régulièrement à L’Union catholique, afin de discuter et d’échanger sur les sujets politiques et sociaux qui les touchent, à l’aube de la création du Dominion du Canada. À la fin de ses études, le jeune homme ne sait pourtant quelle carrière choisir et sa santé chancelante le fera hésiter entre le droit, le journalisme et la religion. Dans sa correspondance avec l’abbé Tétreau, il mentionne régulièrement qu’il n’a pas peur de la mort et que, de toute façon, il ne vivra sûrement pas longtemps. Finalement, Il choisit le journalisme. Étant donné qu’il écrivait déjà pour Le Courrier de Saint-Hyacinthe depuis l’âge de 17 ans, il en devient le directeur de 1866 à 1868, et collabore au journal La Minerve durant un voyage formateur en Europe. À son retour en 1870, il fera de courts « séjours » au Courrier, à La Minerve, à L’Opinion publique et à La Revue canadienne. Son style d’écriture est clair, précis, mais souvent aux propos sarcastiques et polémistes. Il s’intéresse à tous les sujets de l’heure, que ce soit la religion, la politique ou l’éducation. Foncièrement conservateur, il se lance même en politique à deux reprises, en 1872 et 1875, mais ne réussit pas à se faire élire. Sa dernière défaite le pousse à quitter la région de Montréal, pour devenir rédacteur au Journal de l’Instruction publique à Québec. Probablement juste avant son départ, le 5 septembre 1876, il épouse à Montréal Marie-Mathilde Leblanc, fille de l’avocat Charles-André Leblanc, pour lequel il a déjà brièvement travaillé, et Julie Dumont. Leblanc est un fidèle collaborateur de George-Étienne Cartier. Le couple n’aura pas d’enfant. Son amour de la langue française l’amène aussi à publier quelques livres, dont « Pourquoi nous sommes français » (1870), « Manuel de dessin industriel à l’usage des maîtres d’écoles primaires » (1877), et « Dix ans de journalisme; mélanges » (1876). Son plus grand succès sera sans doute son « Glossaire franco-canadien et vocabulaire de locutions vicieuses usitées au Canada », publié en 1880, qui deviendra une référence linguistique importante, étant donné la qualité du travail et son format pratique. Il en dédicace un exemplaire pour l’abbé François Tétreau, que ce dernier conservera jusqu’à sa mort. Mais comme en témoigne une lettre écrite par un ancien élève de Saint-Hyacinthe, qui écrit à l’abbé François Tétreau, le décès subi d’Oscar Dunn laissera un grand vide. À la fin de sa journée de travail du 15 avril 1885, il s’arrête au Club de la Garnison de Québec et, au moment même où il déclare que la pendaison de Louis Riel serait un grand malheur, il s’effondre devant ses amis médusés, qui ne sauront le réanimer.

Par Anne-Marie Charuest Membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe

image