22 août 2019 - 14:16
La crise des médias au Québec
Passez de la parole aux actes
Par: Benoit Chartier
Benoit Chartier

Benoit Chartier

Chers lecteurs et annonceurs, Je n’ai pas l’habitude de vous interpeller directement à l’intérieur de mon journal et de cette colonne. Il s’agit d’une première pour moi. C’est dire à quel point le moment est important et commande une réaction exceptionnelle. À titre de président d’Hebdos Québec, qui regroupe 47 hebdomadaires régionaux, de propriétaire de DBC Communications, un groupe de presse régional qui édite cinq hebdomadaires en Montérégie, dont ce journal, je ne pouvais demeurer silencieux face aux événements des derniers jours dans l’industrie des médias.

Cette tempête parfaite qui affecte durement la presse écrite régionale, nationale et internationale n’a rien de nouveau pour moi. Je constate et déplore ses effets depuis cinq ou six ans déjà, sans qu’elle donne l’indication de vouloir s’essouffler, et ce, malgré toutes les tentatives pour l’atténuer. Cette tempête frappe avec énormément d’intensité, même en région où elle a pris un peu plus de temps à s’installer. Aucun média n’est plus à l’abri. Si vous doutiez encore de ses effets ou pensiez que les propriétaires de médias étaient trop alarmistes, le réveil a dû être brutal cette semaine.

La journée de lundi a été qualifiée à juste titre de journée noire pour les médias du Québec. La décision du Groupe Capitales Médias (GCM), qui publie six des dix quotidiens papier au Québec, dont La Voix de l’Est de Granby, de se placer sous la Loi de la protection de la faillite, faute de liquidités suffisantes, a secoué tout le Québec.

L’intervention rapide du gouvernement du Québec par l’octroi d’un prêt d’urgence de 5 M$ a permis d’éviter le naufrage, mais la survie de ces quotidiens régionaux n’est pas acquise. Elle se jouera d’ici la fin de la présente année. En ces temps d’incertitude, je suis de tout cœur avec les quelque 350 employés de GCM.

Et localement, dites-vous? DBC Communications ne vit pas dans une bulle de verre. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres ni à l’abri de ces secousses répétées qui mettent à mal la rentabilité de l’entreprise. Malgré l’appui fort et indéfectible de fidèles lecteurs et annonceurs, nous devons nous aussi livrer un combat de tous les instants pour assurer notre pérennité. Il nous faut convaincre nos lecteurs de renouveler leur engagement envers le journal et multiplier les démarches pour retenir ou faire revenir les grands et petits annonceurs qui sont tentés ou cèdent carrément au chant des sirènes.

Je pense tout particulièrement à Google et Facebook qui vampirisent nos revenus publicitaires tout en profitant sans frais de l’information produite par les médias de chez nous, et ce, sans pour autant payer de redevances ni même de taxes.

Le combat est-il perdu d’avance? Certainement pas et je refuse de capituler.

Personnellement, je participerai activement mardi, à l’Assemblée nationale, à la commission parlementaire sur l’avenir des médias. J’aurai l’occasion d’apporter mon humble contribution en parlant de mon expérience et de ma réalité en tant que fier propriétaire d’un groupe de presse régional. J’aurai l’opportunité de suggérer certaines pistes de réflexion pouvant assurer autant que faire se peut la survie des médias et leur indépendance. Je n’ai pas toutes les solutions, mais il me tarde de collaborer avec nos décideurs pour établir une contre-attaque efficace et équitable.

Sachez que vous aussi, à titre de lecteur et annonceur fier de vos journaux et soucieux d’être bien informé, vous pouvez sans tarder nous apporter votre appui. Comment? En vous appropriant ou en vous réappropriant ce journal qui vous est si cher et en y annonçant vos activités, produits et services pour rejoindre des gens d’ici. Pour les lecteurs du COURRIER, la meilleure façon de contribuer à sa longévité est de vous y abonner ou de renouveler votre abonnement. Je lance tout particulièrement l’invitation aux entreprises, aux institutions, aux commerces et aux municipalités qui devraient se faire un point d’honneur et une fierté de placer notre journal bien en évidence sur leur comptoir, à la réception ou dans leur salle d’attente.

Ces derniers jours, nombre de députés et de maires ont exprimé leurs inquiétudes face aux malheurs du Groupe Capitales Médias et à la disparition des quotidiens régionaux qui serait catastrophique pour la vie économique et démocratique au Québec. On associe partout les mots « médias » et « démocratie » et on souligne la nécessité d’avoir accès à une diversité des voix dans chacune des régions. La Fédération des municipalités du Québec s’est également dite préoccupée pour l’avenir de la presse régionale et a plaidé pour que l’on trouve collectivement les moyens d’assurer la pérennité des médias imprimés québécois. J’en suis. Il est temps de passer de la parole aux actes.

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