20 octobre 2011 - 00:00
Pensionnaire au Séminaire 1937-1945 (4)
Par: Le Courrier
Grégoire Girard et Jean-Guy Hévey dans des rôles féminins en 1940 (collection Grégoire Girard).

Grégoire Girard et Jean-Guy Hévey dans des rôles féminins en 1940 (collection Grégoire Girard).

Grégoire Girard et Jean-Guy Hévey dans des rôles féminins en 1940 (collection Grégoire Girard).

Grégoire Girard et Jean-Guy Hévey dans des rôles féminins en 1940 (collection Grégoire Girard).

Le théâtre au Séminaire

Le théâtre au Séminaire

S’il est une activité culturelle qui était bien implantée au Séminaire, c’était le théâtre. Selon la tradition, une pièce était montée en novembre, vers la Sainte-Cécile. Le premier soir, elle était jouée pour les étudiants et les professeurs et le lendemain, pour le public. À l’occasion de la fête du Supérieur, au mois de mai, une soirée récréative était organisée pour la communauté : il s’agissait de chants, de musique instrumentale, de récitations, d’impromptus, d’extraits de théâtre classique.

Dès novembre 1938, je faisais mes premières armes dans une pièce intitulée L’homme fossile où je jouais le rôle du jeune Félix qui avait trouvé des ossements dans un jardin. Disons d’abord que, pour les besoins de la pièce, j’avais emporté de la boucherie paternelle des os de veau que maman avait fait cuire pour y enlever la chair et leur donner une allure d’artéfacts. Cette découverte d’ossements séchés avait déclenché un grand débat, certains acteurs affirmant qu’il s’agissait d’os d’animaux, les autres déclarant, à l’aide de savants arguments, que c’était des ossements humains. Jean-Pierre Masson, qui devint célèbre plus tard dans le rôle de Séraphin Poudrier de la série télévisée Les belles histoires des pays d’en haut, y tenait le rôle d’un savant allemand qui, pour appuyer son opinion, déclamait à tout instant : « Je suis le professeur Lucius Rosenkof et je suis assistant de paléontologie à l’Université de Glogau, Allemagne ».

Les rôles féminins

En novembre 1940, l’abbé Hector Bernard avait décidé de monter la pièce de Molière Le malade imaginaire. Comme il n’était pas question d’avoir des filles dans ce théâtre, les rôles féminins étaient joués par de jeunes garçons dont la voix n’avait pas encore subi la mue.

J’avais 15 ans à l’époque et ma voix avait parfois des tons moins clairs, mais elle pouvait convenir pour interpréter le rôle de Toinette, la servante. Quant au rôle d’Angélique, la fille du malade imaginaire joué par Roméo Robert, il avait été confié à Jean-Guy Hévey qui avait le physique et la voix qui convenait.

Le Séminaire, berceau de « La Bonne Chanson »

Dès septembre 1937, le Séminaire avait mis une salle de classe à la disposition de l’abbé Charles-Émile Gadbois pour lui permettre de répondre au souhait formulé par Mgr Camille Roy, en juin 1937, de diffuser des chants canadiens. C’est ainsi qu’avec un miméographe et 5 000 feuilles de papier, débuta l’aventure enthousiaste de l’abbé Gadbois.

Je venais d’entrer au Séminaire et je me souviens d’avoir tourné la manivelle pour imprimer la première page qui ne comprenait que trois mots « La Bonne Chanson ». Puis, la production prit de l’ampleur pour imprimer d’autres pages comme « O Canada », « Venez, garçons et filles, chanter la bonne chanson » et ainsi compléter un premier cahier de 50 chansons afin de satisfaire quelque 6 500 abonnés dont près de 300 élèves du Séminaire. Au cours de l’année 1938, l’abbé Gadbois fit l’acquisition d’une machine électrique capable de tirer 4 000 copies à l’heure. Plusieurs étudiants consacrèrent des heures de congé pour composer les cahiers, feuille par feuille, et gagnèrent ainsi quelques sous dont l’abbé Gadbois était très généreux. Dans l’annuaire de cette année-là, on peut lire sous la plume de l’abbé Léo Sancoucy : « Actuellement la série de chansons forme un magnifique album de 50 titres différents, très joliment illustré, le tout relié sous une élégante couverture souple. Il n’est pas exagéré de dire que c’est la plus belle édition de chants canadiens. Et cela se vend… 2 sous la chanson ». Au cours d’une classe de solfège dont il avait la charge, l’abbé Gadbois nous fit part d’un voyage en Europe qu’il avait effectué à l’été 1938 pour obtenir d’un certain nombre d’éditeurs l’autorisation de reproduire des chansons sur lesquelles existaient des droits d’auteur. « La tâche a été difficile et coûteuse, disait-il, mais j’ai rapporté 250 autorisations. » L’expansion de l’entreprise entraîna le déménagement du matériel de l’abbé Gadbois dans un nouveau local aménagé sous la chapelle. Le nouvel atelier comprenait une grande salle d’impression, une chambre photographique avec camera pour agrandir ou réduire des dessins et obtenir les négatifs requis. C’est à cet endroit que certains étudiants s’intéressèrent au métier d’imprimeur : ce fut le cas, notamment, de Roland Provençal et Aldéo Archambault qui, au terme de leurs études, montèrent un atelier qui devint l’Imprimerie La Providence. On connaît la suite. « La Bonne Chanson » triomphait partout en Amérique du Nord avec des festivals, des programmes de radio, l’enregistrement de disques et des concours pour les étudiants. Et l’idée avait pris naissance au Séminaire.

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