7 février 2013 - 00:00
Accident de travail
Quelle protection pour les déficients intellectuels?
Par: Le Courrier
John Gagnon-Tanguay s’est blessé à un doigt dans le cadre de son travail.

John Gagnon-Tanguay s’est blessé à un doigt dans le cadre de son travail.

John Gagnon-Tanguay s’est blessé à un doigt dans le cadre de son travail.

John Gagnon-Tanguay s’est blessé à un doigt dans le cadre de son travail.

Chaque année, des dizaines de personnes vivant avec une déficience intellectuelle intègrent avec succès un travail grâce aux programmes de stages mis en place par le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI-TED) de la Montérégie. Or, si ces programmes leur permettent de travailler, de développer leurs habiletés et de toucher une petite somme d’argent, ils ne semblent pas offrir de protection adéquate en cas d’accidents de travail.

C’est ce qu’ont appris John Gagnon-Tanguay et ses parents au cours des dernières semaines. John, un jeune homme de 26 ans atteint d’une légère déficience, travaille depuis maintenant quatre ans chez Zoo Max Exotic, une entreprise familiale qui fabrique des jouets pour perroquets en sol maskoutain.

Il a obtenu ce stage grâce à l’intermédiaire du CRDI, qui assure un suivi serré et qui lui verse une allocation de fréquentation – quelque 250 $ par mois – pour couvrir ses frais de déplacement. Ainsi, en plus de l’aide sociale qu’il reçoit du gouvernement, John a pu ajouter un petit revenu à son modeste compte en banque. Cet argent supplémentaire lui a même permis de louer un appartement bien à lui, dont il prend un soin jaloux. Mais le 28 janvier, John s’est blessé sévèrement à un doigt en utilisant une machine à découper le cuir sur les lieux de son travail. Ce n’est qu’une fois en arrêt de travail forcé qu’il a appris du CRDI qu’il n’était pas admissible au régime de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) pour assurer le versement de son allocation, puisqu’elle ne constitue pas un salaire au sens de la loi. Puisqu’il est prestataire d’aide sociale, il n’est pas non plus admissible à l’assurance chômage. « La loi sur la santé et la sécurité au travail ne prévoit pas la couverture des stagiaires des centres de réadaptation », a expliqué Marie-Claude Charette, coordonnatrice des services d’intégration au travail et communautaire au CRDI. L’organisme a bien contracté une assurance collective pour ses usagers, mais celle-ci ne couvre que les mutilations par accident. Or, John n’a pas perdu son doigt. « À moins que la personne ne perde un membre, elle ne touche pas d’assurance. Par ailleurs, l’assurance ne pourrait pas couvrir de salaire puisque dans les faits, nos usagers en stage ne reçoivent pas de salaire, mais seulement une allocation de remboursement. »De la même façon, ce sont des employés du CRDI qui assurent le suivi auprès des entreprises en cas d’accident plutôt qu’un enquêteur de la CSST. « Le CRDI fait un très bon travail et on peut toujours compter sur ses intervenants, note la mère de John, Brigitte Tanguay. Les employeurs de Zoo Max offrent un soutien attentionné aux employés qu’ils accueillent avec le programme du CRDI. Des accidents, ça arrive. Mais je suis surprise d’apprendre que mon fils ne bénéficie d’aucun recours pour toucher ce qu’il conçoit, lui, comme un salaire. Personne ne nous en avait informés avant. Puisqu’il avait un emploi depuis quatre ans, nous avons encouragé John à faire un budget et à louer un appartement. Aujourd’hui, il se retrouve à ne plus pouvoir rembourser ses engagements financiers. Après quatre ans à travailler au même endroit, on nous dit qu’il est encore un stagiaire. Est-ce que mon fils va avoir un statut de stagiaire toute sa vie? », s’interroge Mme Tanguay.Dans les faits, les usagers du CRDI conservent leur statut de stagiaire jusqu’à ce qu’ils aient rempli une série de critères qui leur permettent ensuite d’accéder à un programme d’employabilité régi par Emploi-Québec, explique Mme Charette. Dès lors qu’ils sont employés en bonne et due forme, ils obtiennent les mêmes protections que les autres travailleurs. « En stage, les usagers se retrouvent dans une espèce d’entre-deux, qui dure au minimum trois ans, voire plus. Nous déplorons nous aussi la situation actuelle et nous prenons les mesures pour éviter que ça se reproduise en révisant la sécurité des environnements de travail et les tâches proposées aux stagiaires. »Les parents de John souhaitent maintenant sensibiliser les autres parents et les déficients intellectuels qui travaillent sous les mêmes programmes.

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