5 juillet 2012 - 00:00
Centrale hydroélectrique
Saint-Hyacinthe attend son dû depuis trois ans
Par: Le Courrier

Depuis trois ans, la Ville de Saint-Hyacinthe ne touche plus sa part des profits que tire la compagnie ontarienne Algonquin Power Fund, propriétaire de la minicentrale hydroélectrique du barrage Penman's, de ses ventes d'électricité à Hydro-Québec.

C’est ce que révèle l’un des documents que LE COURRIER a obtenu de la Ville en réponse à des demandes d’accès à l’information.

En tant que propriétaire du barrage, la municipalité a droit en théorie à 3 % des profits bruts que réalise Algonquin Power annuellement grâce à l’électricité que produit la centrale T.-D.-Bouchard, d’une puissance installée de 2,55 mégawatts.Il s’agit de l’une des clauses du contrat de location d’une portion du barrage qu’elle a conclu le 30 août 1993 avec les représentants d’Hydraska (Boralex), le promoteur qui a construit la centrale en 1993-1994 et qui l’a cédée à Algonquin Power quelques années plus tard.En vertu de ce bail, la Ville a touché en moyenne 15 000 $ par année durant la période allant du 1 er juin 1994 au 31 mai 2009, sauf à une occasion. À l’été 2001, alors que la Yamaska n’était plus qu’un filet d’eau, la Ville avait conclu un accord avec Algonquin Power sur un arrêt de turbinage entre le 16 juillet et le 15 septembre, ce qui lui avait coûté en contrepartie une année complète de loyer.Par la suite, il y a eu arrêt de turbinage tous les étés, mais sans qu’Algonquin cesse ses paiements, du moins jusqu’en 2009. La compagnie les a cependant revus à la baisse, a indiqué le directeur général de la Ville, Louis Bilodeau. Il a précisé que les 3 % de profit brut généré par la centrale correspondaient plutôt à 22 000 $ ou 23 000 $ en moyenne, soit beaucoup plus que ce qui était versé à la Ville. Voilà qui permet de situer à environ 700 000 $ les revenus annuels bruts qu’Algonquin Power tire de la petite centrale T.-D.-Bouchard, dont la construction avait coûté 4 millions $ il y a presque 20 ans. Depuis que la centrale produit de l’électricité, elle aurait donc rapporté à Algonquin Power plus de 12 millions $ en revenus bruts, tandis qu’à ce jour, la Ville n’a touché en redevances que 209 295 $.

Plus de paiement

Et depuis juin 2009, la Ville ne reçoit plus aucun paiement d’Algonquin. M. Bilodeau a expliqué que l’exploitant de la centrale n’avait pas fini de revoir sa façon d’évaluer le montant de sa redevance. « Leur prétention, c’est que depuis 2001, il y a une erreur de calcul et qu’ils ont trop versé d’argent à la Ville. Mais on devrait réussir à s’entendre bientôt », a indiqué M. Bilodeau.

La Ville de Saint-Hyacinthe fait néanmoins preuve de beaucoup de patience envers Algonquin. Le bail de 1993 stipule que si le locataire fait défaut de payer le loyer et que ce défaut subsiste durant une période de 15 jours après la réception d’un avis de la Ville, celle-ci pourrait, sans autre avis, « prendre possession immédiate des lieux loués », à moins qu’un créancier paie le loyer pour le locataire fautif. Sur la question du débit de la rivière Yamaska, la Ville se montre cependant un peu plus ferme. M. Bilodeau signale qu’elle a toujours exigé que le débit d’eau ne soit jamais inférieur à sept mètres cubes par seconde, tandis que le certificat d’autorisation gouvernemental fait état d’un débit minimal de deux mètres cubes par seconde. Les arrêts de turbinage, nécessaires au respect du débit minimal, font l’objet d’une nouvelle entente avec Algonquin Power que le conseil municipal a approuvée le 4 juin. Toutefois, cela ne règle pas la question des redevances.

Un bail de 40 ans

Lorsque, à l’été 1993, la minicentrale a été mise en chantier et que la Ville de Saint-Hyacinthe a paraphé une entente avec le promoteur quant à l’occupation des lieux, il avait été annoncé qu’il s’agissait d’un contrat de 20 ans. En fait, la durée réelle de ce bail est de 40 ans à compter du début de l’exploitation – juin 1994 -, car il est renouvelable pour une autre période de 20 ans sur simple demande du locataire avant l’expiration, le 31 mai 2014.

Algonquin pourra donc exploiter la centrale jusqu’en 2034, mais pas au-delà. « Ce renouvellement sera aux mêmes conditions que celles exprimées aux présentes, sauf quant à l’option de renouvellement qui ne pourra plus être exercé », précise le bail qui a été paraphé devant le notaire Louis H. Lafontaine.Les baux d’occupation des terres publiques et d’utilisation des forces hydrauliques que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) a paraphés avec les propriétaires des petites centrales contiennent des clauses semblables. La centrale T.-D.-Bouchard, qui a été construite à la suite de l’appel de propositions lancé par Hydro-Québec en 1991 (APR-91), devra donc être rétrocédée sans compensation au gouvernement au terme du premier renouvellement de son bail d’occupation de 20 ans. Comme le révélait récemment le quotidien Le Devoir, ces centrales pourraient alors être offertes au secteur communautaire, ou au secteur privé, ou à Hydro-Québec, ou encore être simplement démantelées.Mais pour les 20 années qui viennent, rien n’empêcherait Saint-Hyacinthe de tenter de mettre la main sur la centrale afin de l’exploiter elle-même et de garder pour elle tous les profits. Comme les négociations sont amorcées pour le renouvellement des baux des centrales de l’APR-91, la Ville pourrait interpeller le MNRF et demander un transfert des droits en invoquant les difficultés qu’elle éprouve à percevoir ce que lui doit Algonquin Power. « Ça pourrait venir influencer les négos », croit Olivier Huard, de la Fondation Rivière, un organisme de protection de l’environnement qui suit de très près le dossier des minicentrales.Mais selon Louis Bilodeau, il serait étonnant que la Ville de Saint-Hyacinthe explore ce genre d’avenue. « Est-ce que ça se trouve (la production d’électricité) dans les champs de compétence que la Ville privilégie? La réponse est non », a-t-il répondu.

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