1 novembre 2012 - 00:00
Oscar Dunn
Saint-Hyacinthe et la qualité du français
Par: Le Courrier
Membres du Cercle (ou Académie) Girouard en 1909-1910 au Séminaire de Saint-Hyacinthe. De gauche à droite : Philippe Auger, Gaston Ringuet, Eugène Poirier, Louis-Joseph Chagnon et Rosario Brodeur, accompagnés des abbés Fabien-Zoël Decelles et Émile Chartier.

Membres du Cercle (ou Académie) Girouard en 1909-1910 au Séminaire de Saint-Hyacinthe. De gauche à droite : Philippe Auger, Gaston Ringuet, Eugène Poirier, Louis-Joseph Chagnon et Rosario Brodeur, accompagnés des abbés Fabien-Zoël Decelles et Émile Chartier.

Membres du Cercle (ou Académie) Girouard en 1909-1910 au Séminaire de Saint-Hyacinthe. De gauche à droite : Philippe Auger, Gaston Ringuet, Eugène Poirier, Louis-Joseph Chagnon et Rosario Brodeur, accompagnés des abbés Fabien-Zoël Decelles et Émile Chartier.

Membres du Cercle (ou Académie) Girouard en 1909-1910 au Séminaire de Saint-Hyacinthe. De gauche à droite : Philippe Auger, Gaston Ringuet, Eugène Poirier, Louis-Joseph Chagnon et Rosario Brodeur, accompagnés des abbés Fabien-Zoël Decelles et Émile Chartier.

Les origines de la langue française parlée de nos jours au Québec et ailleurs au Canada ont été étudiées par différents groupes universitaires, dont l’Université Laval à Québec, qui a contribué à une des études les plus élaborées sur le sujet. Mais saviez-vous que de grands Maskoutains (d’origine ou d’adoption) ont servi de modèle et y ont contribué?

Les origines de la langue française parlée de nos jours au Québec et ailleurs au Canada ont été étudiées par différents groupes universitaires, dont l’Université Laval à Québec, qui a contribué à une des études les plus élaborées sur le sujet. Mais saviez-vous que de grands Maskoutains (d’origine ou d’adoption) ont servi de modèle et y ont contribué?

À la fin du XIX e siècle, les linguistes de l’Université Laval mettent sur pied un projet d’étude sur les origines de la langue française au Canada. En collaboration avec le surintendant de l’Instruction publique du Québec (l’équivalent du ministre de l’Éducation de nos jours), on crée la Société du parler français canadien le 18 février 1902. Cet organisme aura comme mission d’inventorier les termes français utilisés au Canada, de trouver leur origine en France (ou ailleurs) et la bonne manière de le parler et de l’écrire, dans le but ultime de publier un dictionnaire terminologique. Afin de réaliser cette gigantesque collecte de données, on demande la collaboration des professeurs des différents collèges francophones. Le Séminaire de Saint-Hyacinthe y adhère dès le départ, grâce à la participation de l’abbé Émile Chartier (1876-1963), professeur de rhétorique et amoureux de littérature. Il deviendra d’ailleurs le fondateur de la Faculté des lettres, puis vice-recteur de l’Université de Montréal. Dès le début, la Société du parler français publie un fascicule mensuel intitulé « Bulletin du parler français » qui permet à l’organisme de dévoiler des éléments de cette volumineuse recherche et de faire le lien entre les collaborateurs. Le Séminaire de Saint-Hyacinthe y contribue grâce au Cercle d’étude du parler français, un comité formé d’étudiants et des aumôniers responsables du Cercle Girouard, dont les abbés Émile Chartier, Fabien-Zoël Decelles et Arthur Vézina. Le projet se base aussi sur les travaux déjà publiés par des linguistes et amoureux de la langue française, dont quatre auteurs ayant contribué à la notoriété du Séminaire de Saint-Hyacinthe. Outre l’abbé Émile Chartier, il s’agit de Thomas Maguire, Oscar Dunn et Sylva Clapin. Thomas Maguire (1776-1854), prêtre catholique américain d’origine irlandaise, fut directeur au Collège de Saint-Hyacinthe de 1827 à 1831, avant d’oeuvrer chez les Ursulines de Québec. En 1841, il publie le « Manuel des difficultés les plus communes de la langue française suivi d’un recueil de locutions vicieuses ». Il s’agit de la plus ancienne contribution canadienne-française à une meilleure utilisation de la langue française en terre québécoise. Oscar Dunn (1845-1885), originaire de Côteau-du-Lac, étudie au Séminaire de Saint-Hyacinthe de 1856 à 1864. Intellectuel discret, il devient journaliste de carrière, entre autres au Courrier de Saint-Hyacinthe. En 1880, il publie le « Glossaire franco-canadien et vocabulaire de locutions vicieuses usitées au Canada ». Ce petit bouquin d’à peine 12 x 9 cm constitue le premier dictionnaire descriptif de la langue canadienne-française. Malheureusement, Oscar Dunn décède prématurément en 1885, à l’âge de 40 ans. Finalement, le journaliste et éditeur maskoutain Sylva Clapin (1853-1928) réalise deux projets littéraires ambitieux: le premier « Dictionnaire canadien-français », en 1894, dont le sous-titre mentionne qu’il comprend un « lexique-glossaire des mots ou expressions et locutions ne se trouvant pas dans les dictionnaires courants et dont l’usage appartient surtout aux Canadiens français ». Beaucoup plus tard, en 1913, il publie aux États-Unis (où il habite désormais) « Ne pas dire, mais dire. Inventaire de nos fautes les plus usuelles contre le bon langage », qui sera réédité chez Beauchemin à Montréal en 1918. Ces quatre publications font partie des livres de référence utilisés par l’équipe de linguistes, qui travailleront d’arrache-pied pendant plus de 25 ans pour réaliser cette magistrale enquête linguistique. Grâce à la collaboration de 200 amoureux du bon parler français à travers le pays, la Société du parler français au Canada publie finalement le « Glossaire du parler français au Canada » en 1930, constituant LA référence linguistique majeure durant une bonne partie du XX e siècle, puisque la dernière réimpression est réalisée en 1968. Notons finalement que le surintendant de l’Instruction publique du Québec à l’origine du projet, qui fut un des premiers présidents de la Société du parler français canadien, n’est nul autre que Pierre Boucher de La Bruère (1837-1917), avocat maskoutain réputé, épris de culture et « vendu » au concept d’une éducation de qualité au Québec. Ce grand Maskoutain a contribué de façon remarquable au développement d’une éducation technique à Saint-Hyacinthe. Nous y reviendrons probablement dans une prochaine chronique.

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