6 juin 2013 - 00:00
Témoin d’une époque, Léo Bibeau (1912-1992) (1)
Par: Le Courrier
Léo Bibeau

Léo Bibeau

Léo Bibeau

Léo Bibeau

Léo Bibeau, citoyen engagé

Ce témoignage a été recueilli et enregistré par l’auteur de ces lignes, au cours de l’année 1983, dans le cadre d’une étude effectuée pour l’Institut québécois de recherche sur la culture, lors de sa participation au concours Mémoire d’une époque. L’original sonore de ce document a été déposé à Bibliothèque et archives nationales du Québec.

Léo Bibeau, citoyen engagé

Léo Bibeau a participé à la vie économique, civique et sociale du milieu maskoutain durant près de 60 ans. Il fut un bénévole courageux, généreux et d’une vitalité à toute épreuve. Employé de la compagnie Penman pendant 45 années, il a aussi marqué son époque en occupant les postes de commissaire d’école et de conseiller municipal. Il nous parle d’abord de sa famille.

D’abord, j’aimerais vous parler de mes grands-parents. J’ai eu le bonheur de les connaître. Ma grand-mère était une bonne femme : elle était la patience même. Je la revois avec sa grande robe. Elle était du style qui aimait les dentelles autour du cou, toujours bien mise à la maison, toujours très propre. Chaque fois qu’on arrivait chez elle, rue Saint-Dominique, elle tricotait. Je l’ai connue durant ses dernières années : elle souffrait beaucoup d’arthrite. Elle nous faisait toutes sortes de petits cadeaux. Elle était une excellente cuisinière. On allait manger chez elle tous les dimanches. Mon grand-père était un homme de six pieds et deux pouces : il avait une grande barbe blanche, il était imposant et sévère. Il était gardien à la manufacture Penman. Mon père, c’était un homme qui ne parlait pas beaucoup. Lui aussi fut employé à la Penman. Un jour, il me racontait qu’il allait voir les filles à La Providence; mais de l’autre côté de la rivière, ce n’était pas touchable. Un type qui restait à Saint-Hyacinthe, il fallait qu’il aille voir les filles à Saint-Hyacinthe. Un type de La Providence allait voir les filles à La Providence. Il y avait des batailles de gang. Mon père a rencontré ma mère qui travaillait à la Penman. Lorsqu’il allait la voir à La Providence, plusieurs fois il a dû se défendre. Même dans ma génération, il y avait aussi des batailles de gang. Mon père faisait partie de la Saint-Vincent-de-Paul. Il était enquêteur même. Il rencontrait les gens, les encourageait. Il faisait enquête sur la personne. Il vérifiait si les gens avaient ce qu’il fallait pour la nourriture, le bois de chauffage et regardait combien il y avait d’enfants. Il s’occupait aussi du recrutement. Il s’informait des besoins de la compagnie [Penman] pour les emplois disponibles. Mon père avait sa liste. Il allait toujours chercher des gens qui étaient dans la Saint-Vincent-de-Paul, pas des professionnels sociaux, mais des gens mal pris. Il leur donnait une chance de travailler un mois, trois mois durant l’été. Puis, il évoque la passion de son père, et aussi la sienne, pour le hockey et le baseball. Une patinoire extérieure était installée chaque hiver, près de la balance du Marché à foin. Le docteur Viger, un bénévole et un vrai sportif, avait cinq garçons joueurs de hockey dont Germain qui était le plus dur. On l’appelait le pare-balle. Il jouait à la défense. La renommée de Saint-Hyacinthe pour le hockey dépassait les limites de la province parce qu’on allait jouer partout et on remportait tout le temps des victoires. Le docteur Viger était un spécialiste de la vue. La rue Viger est en son nom. Le docteur Viger ne chargeait jamais un sou, c’était comme le docteur Gagnon. Le docteur Gagnon a fait sa vie de médecin sans jamais envoyer de compte. J’ai beaucoup parlé de mon père, mais je n’ai pas parlé de ma mère. Ce n’est pas parce qu’elle était moins importante. Ma mère était la ministre des finances, ministre du travail, ministre de l’encouragement, ministre de la famille interne. Je dirais que, dans la maison, ma mère était tout. J’en suis bien fier et je ne garde que d’excellents souvenirs. Ma mère travaillait à la Penman. C’est là que mon père l’a rencontrée et ils se sont fréquentés pendant deux ou trois ans. Sa famille venait du Rapide-Plat, à l’endroit où se trouve la croix plantée à l’occasion du 200 e anniversaire de la fondation de la Ville de Saint-Hyacinthe. Le prochain article traitera de l’importance de la Penman dans la carrière de M. Bibeau.

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