21 février 2019 - 10:19
Crise en Haïti
Toute une expérience pour une volontaire de Saint-Jude
Par: Rémi Léonard

Un calme relatif régnait dans les rues haïtiennes le dimanche matin, même si les traces de grabuge de la veille étaient encore bien visibles. Photo gracieuseté

Un calme relatif régnait dans les rues haïtiennes le dimanche matin, même si les traces de grabuge de la veille étaient encore bien visibles. Photo gracieuseté

Des écoliers en train de prendre leur repas grâce aux cantines scolaires, qui constituent un incitatif fort à la présence en classe. Photo gracieuseté

Des écoliers en train de prendre leur repas grâce aux cantines scolaires, qui constituent un incitatif fort à la présence en classe. Photo gracieuseté

Les plus récents troubles survenus en Haïti ont perturbé le mandat d’une coopérante de Saint-Jude, Sylvie Beauregard, partie fin janvier faire œuvre utile dans des cantines scolaires du pays. Grâce à une évacuation rondement menée, elle a toutefois pu revenir chez elle saine et sauve.

Son mandat de 18 jours était déjà bien entamé lorsque les violentes manifestations contre le pouvoir ont enflammé les rues de Port-au-Prince. Étonnamment, le climat social était alors tout ce qu’il y a de plus paisible dans la petite communauté rurale de Labrousse, où elle était basée, a-t-elle raconté au COURRIER. Sans électricité, donc sans internet, radio ou télévision, c’est grâce à des contacts locaux bien branchés sur la capitale qu’elle a appris de bouche à oreille la crise qui se développait tout près. Au Québec, « vous en saviez plus que nous », a-t-elle même affirmé.

Pendant son séjour, elle a visité des cantines scolaires installées dans deux écoles de la région. Son rôle était d’offrir un support au plan organisationnel et comptable. Sur le terrain, elle a aussi participé aux activités quotidiennes en faisant la cuisine et en servant les repas aux enfants.

L’initiative locale fait déjà ses preuves puisque le taux de réussite des jeunes a fait un bond de 20 %, a attesté la coopérante. Mieux encore, ceux-ci sont beaucoup plus nombreux à se présenter à l’école et à bénéficier ainsi d’un repas. La particularité de ces cantines est qu’elles s’approvisionnent presque exclusivement en aliments locaux, dans une logique d’économie circulaire, a expliqué Mme Beauregard. C’est d’ailleurs par l’entremise d’UPA Développement international et son programme Réseau Agro-Innov qu’elle a participé au projet.

Fenêtre d’opportunité divine

Le petit coin isolé, pauvre et montagneux d’Haïti où elle se trouvait est situé à quatre heures et demie de route de la capitale. Même si l’ambiance y était calme, le danger se situait plutôt dans les villes et sur les grandes routes, qu’elle devait éventuellement emprunter pour rejoindre l’aéroport.

Avec quatre autres coopérants, Sylvie Beauregard est parvenue à faire ce trajet risqué grâce à la planification soucieuse de leur partenaire local, la Fondation pour le développement économique et social (FODES-5), a-t-elle rapporté. Leur échappatoire était aussi simple qu’efficace : profiter de l’accalmie du dimanche matin pour prendre la route. Peuple très religieux, la plupart des Haïtiens étaient en effet à la messe.

Le trajet en ambulance, puis en VUS blindé fourni par l’ambassade canadienne, s’est finalement bien déroulé, les rues étant effectivement désertes, malgré la présence de quelques barricades fumantes de la veille ou même de carcasses de véhicules, s’est rappelée Sylvie Beauregard. Des images certes désolantes, « mais jamais je ne me suis sentie en danger », a-t-elle indiqué.

Le point d’arrivée était un hôtel situé à quatre kilomètres de l’aéroport, où elle a patienté les derniers jours en attendant son vol. Au final, elle est revenue à la date prévue, même si elle a perdu quelques jours sur les lieux du projet. Plus près des tensions, l’hôtel était évidemment fermé et sécurisé, ce qui n’empêchait pas d’entendre des coups de feu à l’occasion, a rapporté la Rochevilloise.

En dépit de certains moments plus angoissants, elle insiste pour dire qu’elle était en sécurité en tout temps. « On pensait plus au peuple haïtien, à ceux qui restent là. C’est désolant parce que c’est un peuple à qui il arrive tellement de choses », a-t-elle déploré. Même si son mandat s’est avéré un peu plus compliqué que prévu, Mme Beauregard assure que ce n’était ni sa première ni sa dernière expérience de volontariat international.

Des nouvelles d’Haïti Partage

Les liens entre la région maskoutaine et la perle des Antilles ne s’arrêtent évidemment pas là. Des communautés religieuses comme les Sœurs de Saint-Joseph sont également présentes dans le pays et ont dû composer avec la situation explosive des derniers jours. Jointe mardi, Sœur Marguerite Aussant, de la Fondation Haïti Partage, a expliqué que les communications et l’approvisionnement avaient effectivement été perturbés par les récents troubles politiques.

Le département de Grand’Anse, au sud-ouest de l’île, où sont concentrées les activités de la fondation, a connu « un peu d’effervescence, mais sans trop de grabuge », a commenté Sœur Aussant. La religieuse a elle aussi eu une pensée pour le peuple haïtien, qui doit une fois de plus traverser une période difficile. Une fois les tensions politiques passées, le problème d’inflation de la monnaie nationale, la gourde, reste entier, a-t-elle souligné. L’augmentation du coût de la vie rend les denrées de base de moins en moins accessibles aux habitants de l’île. En début de semaine, un certain calme semblait être revenu en Haïti, d’après les médias nationaux, même si la fin de la crise politique ne signifie malheureusement pas la fin de la crise humanitaire.

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