12 février 2015 - 00:00
La Financière agricoleserre la vis
Un éleveur de veau de lait craint le pire
Par: Jean-Luc Lorry
L’éleveur de veau de lait André Lussier dans son étable à Saint-Dominique. Photo François Larivière | Le Courrier ©

L’éleveur de veau de lait André Lussier dans son étable à Saint-Dominique. Photo François Larivière | Le Courrier ©

L’éleveur de veau de lait André Lussier dans son étable à Saint-Dominique. Photo François Larivière | Le Courrier ©

L’éleveur de veau de lait André Lussier dans son étable à Saint-Dominique. Photo François Larivière | Le Courrier ©

André Lussier, qui élève avec sa conjointe une centaine de veaux de lait à Saint-Dominique, considère qu’une suspension du programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles ­(ASRA) le mènerait droit à la faillite.

« Aujourd’hui, les affaires vont bien puisque le prix de la livre est élevé ( 5,10 $). Mais si ce prix vient à baisser et que nous ne sommes plus admissibles à ­l’ASRA, nous n’aurons pas d’autres choix que de fermer nos portes », indique en entrevue au COURRIER, André Lussier, éleveur de veaux de lait depuis 23 ans.

Dans une précédente édition, nous ­révélions que la Financière agricole du Québec avait décidé de serrer la vis de cette industrie devant l’impossibilité d’établir un coût de production réaliste.

En juin 2013, la Financière agricole avait mandaté le Centre d’études sur les coûts de production assisté d’une firme juricomptable pour dresser un portrait financier représentatif de ce secteur ­agricole.

Les mesures adoptées par la Financière agricole et applicables depuis janvier, comme un ajustement du prix de vente des veaux, représenteront une réduction significative des montants octroyés aux producteurs via le programme ASRA.

Un comité de travail qui sera piloté par la Fédération des producteurs de bovins du Québec devra démontrer d’ici la fin du printemps que l’industrie respecte ­toujours les conditions d’admissibilité au programme ASRA. Sans quoi, ce ­programme pourrait être supprimé.

« Lorsque la Financière agricole ­applique de telles mesures, cela touche davantage des éleveurs indépendants comme nous plutôt que des intégrateurs qui disposent d’importants volumes », estime M. Lussier.

Cet éleveur avait fait affaire avec ­Délimax de 1992 à 1994, une entreprise de Saint-Hyacinthe qui applique un ­modèle d’intégration verticale dans le secteur du veau de lait qui lui permet de gérer l’ensemble de la chaîne de ­production.

En 2010, André Lussier avait dévoilé dans les médias une pratique de ­ristournes qu’il recevait de l’intégrateur à l’insu de la Financière agricole.

« Cette façon de procéder augmentait les coûts de production. Le résultat de ce stratagème était de gonfler le montant du chèque de l’ASRA », explique M. Lussier.

Enquête policière

En 2007, les dénonciations d’André ­Lussier auprès de la Financière agricole avaient abouti à une enquête policière.

« Une enquête de la SQ corrobore que le versement de ristournes variant de 1,60 $ à 2,65 $ par sac de 25 kg de substituts ­d’allaitement était généralisé et qu’il était demandé à l’éleveur d’en cacher le ­paiement », pouvait-on lire dans un document interne de la Financière agricole.

Lorsqu’il était ministre de l’Agriculture (septembre 2012-avril 2014), le péquiste François Gendron avait suivi de près le dossier du veau de lait. « Son attaché ­politique m’avait téléphoné pour me dire que l’enquête de la Sûreté du Québec était enterrée et que je ne là déterrerais pas », se souvient M. Lussier.

Les autorités policières ont confirmé au COURRIER que ce dossier confié au ­Service des enquêtes sur les crimes ­économiques était définitivement classé.

« L’enquêteur n’a pas été en mesure d’obtenir suffisamment d’éléments qui auraient pu permettre de déposer des ­accusations de fraude. Ce dossier n’a donc pas été soumis au bureau du ­procureur », indique Guy Lapointe, porte-parole de la Sûreté du Québec.

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