5 mai 2016 - 00:00
Veau : recours collectif ou abusif?
Par: Martin Bourassa
Veau : recours  collectif ou abusif?

Veau : recours collectif ou abusif?

Veau : recours  collectif ou abusif?

Veau : recours collectif ou abusif?


Contre toute attente, la Cour d’appel du Québec vient ­d’autoriser un recours collectif contre la société Écolait, l’un des deux gros intégrateurs spécialisés dans l’élevage de veaux de lait au Québec, le second étant Délimax.

Nous écrivons « contre toute attente », car cette décision survient après deux défaites cinglantes d’éleveurs contre les intégrateurs devant la Cour supérieure. Dans tous les cas, les causes apparentées avaient les mêmes fondements juridiques que celle qui a été renversée par la Cour d’appel. C’est curieux de penser que la Cour supérieure sera à ­nouveau saisie des mêmes dénonciations, des mêmes argumentaires et de la même défense. Une fois de plus, les contrats ­supposément abusifs entre les producteurs associés à l’intégrateur Écolait se retrouveront sous la loupe de la justice. Difficile de comprendre en quoi le résultat sera différent cette fois.

Mais dans une bataille à la David contre Goliath, le petit négligé a toujours attiré ­davantage la sympathie que la grosse brute. Dans le conflit qui oppose les petits producteurs aux riches intégrateurs, la même logique semble s’appliquer.

Quand on parle de riches intégrateurs, le terme n’est certes pas exagéré. Ensemble, Écolait et Délimax contrôlent « de la ferme jusqu’à l’assiette » environ 90 % de toute la production de veaux de lait au Québec. Ces deux sociétés implantées en Terre d’innovation ont certainement trouvé la façon ­d’exploiter un bon filon dans leur domaine d’élevage, grassement financé par le ­programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles. Dans un reportage de La Presse en 2013, on calculait que depuis l’an 2000, les producteurs de veaux avaient reçu plus de 240 millions de dollars de ­Québec. Il est facile de présumer qu’une très large part de ces montants a pu atterrir dans les poches des intégrateurs puisque cela était prévu dans le contrat avec leurs « associés ».

Ces pratiques d’affaires ont fini par indisposer la Financière agricole quand elle a constaté qu’il lui était impossible d’établir avec justesse le coût réel de production d’un veau de lait compte tenu du rôle prépondérant joué par les intégrateurs. Tant et si bien qu’elle a décidé de tirer la plogue le 1er janvier 2016, en écartant la production de veaux de lait du programme. Et curieusement, il se produit encore du veau de lait au Québec et nos deux intégrateurs sont toujours en affaires.

Est-ce à dire qu’Écolait et Délimax se sont enrichis sur le dos de leurs éleveurs?

Le recours collectif répondra peut-être à cette question. Si on se fie à ce qui s’est dit jusqu’ici devant la Cour, tous les producteurs associés à Écolait ne sont pas dans la grosse misère noire, a soutenu l’entreprise. Elle considère qu’environ 80 éleveurs sur un total de 125 sont sous contrat en mode de production financée. Sur ce nombre, elle estime que seulement 7 producteurs ont connu des difficultés financières, sans toutefois définir ce qu’elle entend par difficultés financières. Sur ce point, la Cour d’appel a rappelé avec justesse qu’un contrat peut être lésionnaire sans conduire nécessairement à la faillite. La suite ­s’annonce intéressante, mais on ne pariera pas contre Écolait.

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