8 juin 2017 - 00:00
« Votre mère est lucide et elle veut mourir! »
Par: Le Courrier

Aussitôt qu’il y aura une chambre de libre à l’étage, nous entreprendrons les mesures de fin de vie, m’annonce le médecin à l’urgence.

Ma mère a 96 ans et cela fait plusieurs fois qu’elle se retrouve à l’urgence, souffrant d’insuffisancecardiaque.Toutefois, après l’avoir traitée, on a l’habitude de la retourner à la Résidence. Cette fois-ci pourtant, s’il y a bien un aller, il n’y a pas de retour. La phase curative est bien terminée, c’est maintenant la phase palliative, si j’ai bien compris…

C’est samedi à l’urgence. Le personnel infirmier est plutôt jeune et de commerce agréable. Tous sont souriants et empressés d’apporter de bons soins aux malades. Leur présence apporte un peu d’air frais dans ce milieu difficile. Ma mère dort paisiblement sur sa civière installée dans une pièce confortable avec antichambre et salle de bain située tout près du garage. Le garage et le corridor d’accès étant utilisés exclusivement par les ambulanciers et pour la morgue, on nous laisse passer sans problème vu l’état de ma mère.

Le dimanche matin, une jeune médecin visitant les patients me confirme que ma mère ne reçoit plus que des soins palliatifs. Elle m’assure avoir prescrit toute la médication nécessaire pour son confort. Elle ajoute que la famille a la responsabilité de demander des calmants au poste infirmier de l’urgence, lorsque ma mère en aura besoin.

Nous voici maintenant 24 heures plus tard. Du personnel plus expérimenté et moins… patient s’affaire tout autour. Ma mère, elle, est toujours allongée sur un lit provisoire dans cette pièce de l’urgence située près du garage. Une infirmière décide de lui enlever son tube d’oxygène, prétextant que son taux est normal. Une heure plus tard, une deuxième infirmière lui remet l’oxygène voyant qu’elle a de la difficulté à respirer. Alors ma mère – toujours lucide – exige que la porte de la chambre reste ouverte, prétextant qu’elle aurait ainsi plus d’air.

Durant 8 heures, nous serons à même d’observer le travail des ambulanciers qui véhiculent de grands malades sur des civières. La grande compassion et le dévouement de ces ambulanciers nous touchent. C’est qu’on n’avait pas vraiment réalisé l’importance du travail de ces ambulanciers, véritables anges gardiens de notre système de santé…

C’est maintenant le début de la soirée et ma mère commence à s’agiter sur sa civière-lit. L’infirmière lui apporte un calmant et nous informe que ma mère sera enfin transférée dans une chambre à l’étage. Le temps qu’on aille souper et qu’on revienne ma sœur et moi, ce sera la chambre 904. Notre déception est vive lorsque nous arrivons au 9e étage, car il n’y a pas de chambre privée de disponible. Ma mère devra partager sa chambre avec une dame qui est, comme on dit, « retournée en enfance ». Mais ma mère s’en fiche car elle est en sédation profonde. On lui a en effet administré une très forte dose de morphine, nous dit-on, avant de la transférer à l’étage. Cette fois, la famille doit décider si on lui laisse l’oxygène ou non. Nous optons pour lui conserver l’oxygène. Ma mère décédera doucement 10 heures plus tard… « Cela prend bien du temps à mourir… », confiait-elle à son petit-fils une semaine auparavant. Elle avait raison, mais pour nous, sa famille, cela nous a donné du temps pour vivre avec elle son grand départ.

Merci à tout le personnel des hôpitaux du Québec, particulièrement à celui du Centre hospitalier Honoré-Mercier.

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