10 mars 2016 - 00:00
Votre perception des changements climatiques : vous êtes du type cigale ou du type fourmi?
Par: Le Courrier


Plus de deux mois après la conférence de Paris, l’intérêt médiatique est tombé. Fini le suspense sur : On va s’entendre ou pas et si on s’entend, ce sera sur quoi? Y aura-t-il des cibles contraignantes ou cet accord ne sera-t-il qu’une déclaration d’intention? Les gros contributeurs en feront-ils partie ou pas? Et que fera le ­Canada avec son nouveau gouvernement? Beaucoup d’incertitude dans ­l’opinion de nos dirigeants. Ils ont plein de bonnes intentions, mais ­aurons-nous droit à une répétition de ­Copenhague?

En fait, la question ultime est : est-ce que le réchauffement climatique fait ­partie des « vraies affaires «? S’en soucie-t-on vraiment? Est-ce qu’on est prêt, comme Maskoutain, à laisser ­augmenter le chômage, à perdre un peu sur nos garderies et/ou nos fonds de ­pension pour s’occuper du réchauffement climatique? Mais avant de ­répondre, quelqu’un peut-il me dire ­comment je serai touché par cette hausse de température? En fait, quelles seront les conséquences pour MOI?

Maintenant, regardons ce que la ­conférence de Paris a donné. Tout d’abord, c’est la première fois que les groupes écologistes applaudissent ­l’accord. C’est un bon premier pas, MAIS… On a fixé une cible de réchauffement de +2°C par rapport à l’ère ­préindustrielle et IDÉALEMENT on ­voudrait se limiter à 1,5°C. Au premier regard, c’est une excellente nouvelle. Mais l’accord est vraiment tolérant sur le comment y arriver. C’est un peu comme une loi pour les contrevenants dans un pays sans prison. En fait, l’histoire montre que, là où il n’y a pas de contraintes, les intentions sont ­repoussées dans un futur qui dépasse les prochaines élections et ne sont éventuellement jamais concrétisées.

Pour l’accord de Paris, on parle de ­demander aux pays signataires de fixer leurs objectifs d’ici 2020 et de les ­soumettre à une réévaluation en 2025. Allo!!! Si on se fie à la position canadienne entre 1990 et 2015, on réalise qu’il est ­facile de changer d’idée en cours de route, pour ne rien faire et simplement repousser l’échéance. Et si les principaux ­producteurs de gaz à effet de serre ­décident de jouer cette « game », on est bien mal parti, car les scientifiques parlent alors d’une augmentation de 3,5 à 5,5 C. Et si l’on dépasse les 3°C en 2050, les évidences scientifiques indiquent que ce sera possiblement catastrophique.

En fait, ce dont on ne parle pas assez, c’est l’effet exponentiel de l’augmentation de température. La science suggère (et elle est de plus en plus certaine) qu’une augmentation de 2°C sera ­suffisante pour avoir un effet majeur sur la fonte des glaces. Oui, pis diront ­certains? On prévoit alors qu’il y aura une réduction significative de l’effet d’albédo, ce qui mènera à la fonte d’une partie de l’hydroxyde de méthane enfoui dans le pergélisol. Comme le méthane est 25 fois plus réchauffant que le CO2, l’effet ne peut encore être estimé avec certitude, mais on pense que ce sera suffisant pour faire fondre pratiquement toute la calotte glaciaire, ce qui devrait augmenter de plusieurs mètres le niveau des océans tout en ralentissant significativement le « grand convoyeur océanique ». Cela s’est produit à une vingtaine de reprises au cours des derniers 542 millions d’années. La vie marine a toujours été affectée négativement (pratiquement disparue à quelques occasions) et les fonds marins ont presque à chaque fois produit beaucoup, beaucoup de méthane. Et c’est ici qu’on choisit son camp.

Il y a les « précautionneux » qui disent qu’il faudrait bien éviter de se rendre là en réduisant tout de suite notre production de gaz à effet de serre. Pour eux, la science suggère qu’une augmentation de plus de 2°C sera suffisante pour augmenter significativement les catastrophes météorologiques ponctuelles et pour ­enclencher des phénomènes plus « permanents » comme la libération de l’hydroxyde de méthane du pergélisol ou le ralentissement du « grand convoyeur océanique » ou l’acidification marquée des océans. Pour ces « pessimistes », il y aura moins de poissons dans les océans et les terres agricoles seront, dans leur ensemble, moins productives…

Et il y a les « audacieux » pour qui la ­planète est déjà passée par là et ça ne l’a pas empêchée de créer un monde où ­l’humain a pu prospérer. Alors, pourquoi s’en faire?

En tant que membre du groupe des « précautionneux », je suis heureux du ­dénouement de l’accord de Paris. C’est un excellent premier pas car c’est comme si, pour la première fois, le principe de précaution l’avait emporté sur la ­jouissance immédiate.

Et vous, vous êtes du type cigale ou bien du type fourmi?

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