20 février 2013 - 00:00
Yvan Boulay sous les projecteurs
Par: Le Courrier

Yvan Boulay a joint le Mouvement Action Chômage après avoir lui-même connu des démêlés avec l’assurance-emploi, il y a un peu plus de 20 ans. Depuis, il aide l’humain derrière le travailleur, le visage derrière une mise à pied. Et il le fait avec doigté et nuances, même en période de grandes turbulences.

La réforme de l’assurance-emploi suscite beaucoup d’inquiétudes dans les régions éloignées. Quels impacts peut-elle avoir chez nous?

Est-ce que ça peut toucher Saint-Hyacinthe? Oui. De quelle façon? On ne le sait pas. La loi ne cible pas directement le travailleur saisonnier. Elle cible les « prestataires fréquents » de l’assurance-emploi. La loi est très large et interprétative. Chez nous, ça peut concerner les travailleurs saisonniers du domaine de l’agriculture, mais aussi ceux de l’horticulture ou encore ceux qui travaillent sur les terrains de golf. Bref, tous les emplois spécifiques à une saison. On pense aussi aux travailleurs d’entreprises manufacturières, qui sont mis à pied fréquemment pour quelques semaines, puis réembauchés. On pense aux enseignants qui n’ont pas de permanence, aux chauffeurs d’autobus scolaire, aux brigadiers… Ça peut toucher tout le monde!

Quelles sont vos principales inquiétudes?

Les règles d’interprétation sont tellement larges qu’on tombe facilement dans le discrétionnaire. C’est pour ça qu’il est difficile d’identifier les conséquences réelles de la loi. C’est comme si ton médecin te prescrit un médicament en te disant qu’il ne connaît pas les effets secondaires : on verra! C’est un peu inquiétant. On peut craindre la dévitalisation des régions si les gens sont forcés à se trouver des emplois à l’extérieur de leur municipalité. On peut aussi craindre l’impact sur le taux de chômage. On sait que l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi est liée au nombre d’heures travaillées et au taux de chômage dans la région. Si le taux de chômage descend parce que plus de gens sont forcés à s’engager dans un emploi permanent, automatiquement ça prend plus d’heures aux travailleurs pour se qualifier à l’assurance-emploi. Ça redéfinit complètement le portrait du marché du travail.

Quelles sont les réactions sur le terrain, dans les entreprises?

On a donné plus de 30 formations cet automne, dont au moins 60 % sur invitation d’employeurs, car la pression est grande sur eux aussi. Tout le monde veut savoir comment naviguer à l’intérieur de ce champ de mines. On peut craindre la désorganisation du tissu des entreprises. Imaginez que chaque fois que vous devez mettre à pied vos travailleurs pour quelques semaines, vous en perdez trois ou quatre. Il faut en former de nouveaux, qui risquent de partir à la prochaine mise à pied temporaire. Ça crée une inertie au sein des plus petites entreprises. Et pourquoi au juste? Est-ce qu’une personne qui aime son travail temporaire ou saisonnier sera plus heureuse dans un emploi permanent qu’elle n’aime pas?

On dit que derrière chaque politicien, il y a une grande femme. Êtes-vous le grand homme derrière la politicienne?

(rire) Par quel bout prendre ça? On a une entente Brigitte (Sansoucy) et moi. Je ne joue pas au citoyen. Ça ne me sert à rien de lui dire qu’il y a une lumière qui ne marche pas ici ou que j’ai mis le pied dans un trou en marchant sur le trottoir là-bas. En même temps, lorsque Brigitte a été élue au municipal, on ne voulait pas faire comme si ça n’existait pas. Je donne mon point de vue au sens large. Je donne mon opinion si elle le demande. Je suis là pour l’aider à cheminer dans les décisions qu’elle doit prendre comme elle le fait pour moi. On s’aide en s’écoutant.

Avez-vous déjà été tenté par la politique?

On m’en a déjà parlé, mais mon implication, je la vois autrement. Mon implication au niveau social, je la décrirais comme l’effet papillon. C’est le travail que je fais quotidiennement pour aider les gens qui, forcément, aura un impact. Je connais mes qualités et j’aime être dans ma zone. Ma force, c’est d’aider les gens directement. J’aime être consulté et donner mon opinion. Je suis fils d’agriculteur, alors je sème quelque chose, je sème des idées, mais je ne sais pas à l’avance comment ça va pousser. Cela dit, je trouve les gens courageux de se lancer en politique. C’est un sport intense. J’ai beaucoup de courage, mais ce courage-là, je ne l’ai pas.

Vous vous impliquez aussi dans des conseils d’administration.

Actuellement, je m’implique pour la Société de l’Alzheimer, pour la marche qui aura lieu le 26 mai. Ma mère est décédée de l’Alzheimer en 2011. C’est très particulier, cette maladie. Tu perds la personne avant qu’elle ne décède. Elle te glisse des mains et à un moment donné, ce n’est plus ton père, ce n’est plus ta mère. C’est un individu, qui ressemble à quelqu’un que tu connais, mais qui n’a plus les mêmes yeux. Moi ce qui me touche dans la vie, plus que l’injustice, c’est la détresse des gens. Quand un proche souffre d’Alzheimer, il faut que tu travailles sur toi. Il faut devenir très humble. La personne retourne tranquillement dans sa coquille et il faut l’accompagner sans chercher à toujours valider : « Me reconnais-tu? Quel jour on est? » Ça, c’est pour toi que tu le fais, ce n’est pas pour elle. Après chaque visite, il y a un deuil. Ça ne finit pas quand tu franchis le seuil de la porte. En fait, c’est là que ça commence.

La question à laquelle vous auriez voulu répondre.

J’aime le cinéma. Mais personne ne le sait, alors on ne m’en parle pas. J’aime le vieux cinéma, particulièrement les films des années 1900 à 1940. Les films en noir et blanc; ceux qui grichent! Ça me sort de mon monde. Mais ce qui me répare le plus quand j’en ai besoin, c’est un bon vieux Western avec John Wayne. C’est pas compliqué : tu as les bons d’un côté et les méchants de l’autre. On sait qui est dans quel camp et on sait que ça va bien finir. Si la vie était comme ça…

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