22 décembre 2016 - 00:00
Avis publics : médias à risque
Par: Le Courrier
Brian Myles est directeur du journal Le Devoir.

Brian Myles est directeur du journal Le Devoir.

Brian Myles est directeur du journal Le Devoir.

Brian Myles est directeur du journal Le Devoir.


Les municipalités du Québec ont obtenu de nouveaux pouvoirs dans le cadre du projet de loi 122, notamment concernant la publication de leurs avis publics. Cette réforme est cependant une calamité pour les journaux imprimés et les citoyens qui tiennent à l’information locale.

Les quotidiens et les hebdomadaires imprimés, dont Le Devoir, sont inquiets. Le projet de loi 122 permettra aux municipalités de publier leurs avis publics en ligne sur leurs propres sites, sans passer par les journaux comme ce fut toujours le cas. Tout au plus le gouvernement pourrait-il fixer « des normes minimales » sur la publication des avis.

 Cette décision insensée survient à un moment charnière de l’histoire des médias imprimés québécois, qui luttent pour leur survie. Ils subissent une érosion constante de leurs revenus publicitaires, en raison de la concurrence sauvage des géants américains du Web, tout en investissant dans le développement de plateformes numériques.

 La création de la Coalition pour la pérennité de la presse d’information au Québec, dont fait partie Le Devoir, témoigne du sentiment d’urgence qui habite les patrons de presse. L’État devrait soutenir le virage numérique des médias imprimés, entre autres par la création de crédits d’impôt sur le développement technologique.

 À défaut de fournir cette aide, l’État devrait au moins veiller à ne pas nuire aux médias par l’adoption de mesures régressives. La publication des avis publics génère des revenus d’environ 20 millions de dollars pour les journaux et les hebdomadaires. L’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui réclamait depuis belle lurette la publication des avis sur Internet, prétend que la nouvelle mesure aidera les municipalités à équilibrer leurs budgets.

 C’est un argument fallacieux. Selon les estimations d’Hebdos Québec, la publication des avis publics représente de 0,1 % à 0,25 % du budget d’une ville moyenne. Petite suggestion pour les sages de l’UMQ : misez donc sur le contrôle rigoureux des dépenses en rémunération et sur la saine gestion des processus d’octroi des contrats publics afin de réaliser de véritables économies.

 Les élus municipaux sont de joyeux drilles. Ce sont les premiers à se plaindre de la « montréalisation » de l’information, de la précarité et de la disparition de l’information locale. Or, ce sont aussi les premiers à se réjouir d’un changement des règles qui fragilisera la situation financière des journaux. C’est l’incohérence à son comble.

 Les citoyens devraient se préoccuper de cette réforme, car elle a le potentiel d’accroître le déficit démocratique dans les municipalités où les petits potentats font la loi. La publication des avis publics dans les médias imprimés est un gage de leur caractère justement public. Qui ira consulter les sites Internet des municipalités, qui sont trop souvent d’obscurs fourre-tout, pour connaître les intentions de leurs élus? La publication des avis publics sur Internet offrira aux municipalités une occasion en or de faire passer des projets controversés en catimini : développement immobilier anarchique, changement de zonage douteux, et ainsi de suite.

 Il faut un contrepoids au déficit démocratique des municipalités. Si l’heure est venue de publier les avis publics sur Internet, Le Devoir exige au minimum que la publication se fasse sur les plateformes de médias reconnus, en favorisant le jeu de la concurrence. Cette proposition est dans l’intérêt des médias et des citoyens, tout en ne pénalisant pas indûment les municipalités.

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