Il est important d’abord de préciser nos propos en spécifiant ce que l’on entend par « modernisation de l’économie ». Selon le sociologue Jean-Philippe Warren : « On appellera ainsi modernisation économique le programme de développement dont le vecteur principal est l’industrialisation d’une société. » En contradiction avec les croyances populaires, Warren soutient que les élites canadiennes-françaises n’ont pas attendu les années 1960 afin d’entreprendre le processus de modernisation de l’économie. « Seulement, la mesure de leur moyen étant relativement faible, et en accord avec leur éducation et leur sensibilité, elles investirent surtout dans les petites entreprises. »
Les débuts de l’entreprise
Né à Saint-Hyacinthe en 1905, Lucien Larivée se marie en 1930 avec Léontine Bourgeois. Selon les registres paroissiaux, il pratique à ce moment le métier de facteur d’orgues. C’est en mai 1932 que Larivée établit, en compagnie de son beau-frère Ernest-Ovide Picard – futur maire de Saint-Hyacinthe -, les assises de son entreprise sur la ruelle Godbout, aujourd’hui connue sous le nom de l’allée des Cheminots.
Il est possible de lire dans l’Annuaire-Guide de la ville et du comté de Saint-Hyacinthe de 1934 que l’entreprise, gérée par les deux hommes, emploie quatre personnes pour la fabrication et l’embouteillage d’eau minérale et de liqueurs douces, dont l’eau gazeuse La Charmeuse.
Dans l’annuaire de 1936, il est possible de lire que Lucien Larivée est distributeur pour la Carling Breweries, la Brading Breweries ainsi que la O’Keefe Brewing. À ce moment, son entreprise est située sur la rue William – aujourd’hui Calixa-Lavallée. À la fin des années 1930, l’espace commence à manquer et Lucien déménage ses équipements dans le Bourg-Joli près de l’hôpital Saint-Charles, au coin des rues Laframboise et Blanchet. Il faut dire que durant cette même période, il commence à faire la distribution des produits Pepsi-Cola (1935) et ceux de la Brasserie Dow (1949).
Modernité et mécanisation
Dans Histoire du Québec Contemporain, il est souligné que c’est durant l’entre-deux-guerres que se « répandent les nouveaux produits culturels, venant principalement des États-Unis, et qui offrent par excellence l’image prestigieuse de la modernité ». Cette modernisation de l’économie s’installe durant la Seconde Guerre mondiale et se concrétise en temps de paix, grâce notamment à « la forte demande de rattrapage de la part des consommateurs qui ont dû se priver pendant la crise et la guerre ».
L’essor économique d’après-guerre vient favoriser la croissance de la production industrielle – résultat de la mécanisation plus poussée et de l’automatisation des machines. Le cas de l’entreprise de Lucien Larivée s’inscrit dans cette tendance, alors qu’elle fait l’acquisition en 1959 d’une machine qui est, selon Le Courrier, « des plus modernes et compliquée à souhait, capable de laver, emplir, capsuler 1600 bouteilles à l’heure d’eaux gazeuses, ou liqueurs douces ».
En somme, la « modernisation de l’économie » est un vecteur déterminant de changement à Saint-Hyacinthe et marque le paysage manufacturier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Nous verrons dans un prochain texte que ce phénomène est également observable à travers la publicité et la promotion des produits de l’entreprise de Lucien Larivée.
Vincent Bernard, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe