27 septembre 2012 - 00:00
Malaise autour du Centre pharmaceutique
Par: Jean-Luc Lorry

La construction du Centre de développement pharmaceutique (CDP) de Saint-Hyacinthe débute dans la controverse.

La Cité de la biotechnologie, une corporation financée en partie par la Ville de Saint-Hyacinthe et présidée par le maire Claude Bernier, a confié sans appel d’offres public un contrat de 20 M$ à l’entreprise B.T.L. Construction de Montréal.

Or, cette entreprise est dirigée par Luis Vitorino, un entrepreneur qui a été impliqué il y a quelques années dans une histoire de pots-de-vin impliquant les conseillers municipaux Irving Grundman et René Dussault de l’arrondissement Saint-Laurent à Montréal. En 2004, M. Vitorino a été reconnu coupable de corruption et de complot, avant de recevoir une absolution conditionnelle à un don de 25 000 $.C’est par l’entremise du COURRIER que Claude Bernier a pris connaissance du passé trouble de M. Vitorino. « Cela ne m’inquiète pas, a-t-il dit. J’imagine que les personnes responsables du recrutement de cette entreprise doivent être au fait de cette information. Mais s’il fallait par exemple enquêter sur chaque administrateur lié aux quelque 300 contrats que la Ville octroie chaque année, nous nous coucherions tard! »À la Cité de la biotechnologie, le directeur Mario De Tilly avoue qu’il a été surpris d’apprendre qu’un dirigeant de B.T.L. Construction avait été mêlé à une histoire de corruption. Mais il assure avoir effectué des vérifications d’usage dès qu’il a été informé par le maire et que tout est en règle.« Je l’ignorais et notre client aussi » a lancé M. De Tilly.La direction de B.T.L. Construction n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.

Une équipe imposée

Quant à savoir comment B.T.L. Construction a pu se retrouver à la tête d’un projet de 20 M$ impliquant Investissement Québec, la Banque de développement du Canada et le Centre financier aux entreprises Desjardins Vallée du Richelieu-Yamaska, M. De Tilly mentionne que c’est sur la recommandation du locataire principal du CDP, à savoir l’entreprise maskoutaine Sterinova.

« Notre client a désigné lui-même les architectes, les ingénieurs et l’entrepreneur général. Il a imposé son équipe. » Outre B.T.L. Construction, cette équipe est formée de la firme d’architecture DSF, et des ingénieurs Laporte Experts, tous de Montréal.Même si la Cité de la biotechnologie est financée annuellement à la hauteur de 400 000 $ par la Ville de Saint-Hyacinthe, et que cette dernière cautionne les emprunts de la Cité à la hauteur de 20 M$, dont 10 M$ reliés au CDP, il ne s’agit pas d’un organisme public, précise M. De Tilly. L’obligation de procéder par appel d’offres public ne tient pas. La Cité étant en effet une corporation privée sans but lucratif, cela évite un paquet de « contraintes » notamment avec les appels d’offres, suggère Mario De Tilly. « Dans ce cas-ci, nous avons tout de même approché trois entreprises et l’offre de B.T.L. Construction était de loin la plus avantageuse. On parle d’une expertise pharmaceutique à la fine pointe, qu’aucune entreprise locale, et peu au Québec, possède. »Les autres entreprises ciblées étaient Pellemon, une division de SNC-Lavalin, et Construction Bugère de Saint-Hyacinthe, selon M. De Tilly.

Besoin de transparence

Interrogé par LE COURRIER, le conseiller municipal Alain Leclerc, qui est aussi administrateur à la Cité de la biotechnologie, n’a pas caché son malaise à propos du fonctionnement de cette corporation, qui opère loin du regard des élus.

« Il y a longtemps que je me questionne sur le statut de corporation privée rattachée à la Cité compte tenu de l’implication de la Ville dans le budget de fonctionnement et au niveau du cautionnement. Je suis partisan d’une plus grande transparence, et encore plus quand il est question d’un projet de 20 M$. Même si je siège au conseil d’administration de la Cité de la biotechnologie, je n’ai aucune idée de comment a pu être fait le choix de l’entrepreneur général. Aurons-nous un mot à dire sur le choix des sous-traitants ou des fournisseurs, je l’ignore. » Il se promettait bien de sensibiliser ses collègues du conseil lors du comité plénier, prévu lundi dernier.Pour sa part, le maire Claude Bernier a mentionné qu’il ne fallait pas s’inquiéter en ce qui concerne le respect du budget. « Il n’y aura pas de dépassements de coûts, jure le président de la Cité. Ce projet devra se réaliser dans l’enveloppe prévue au départ. Les trois bailleurs de fonds s’engagent à financer 20,2 M$ pas davantage. »En cas de pépins, la note pourrait être refilée aux locataires, selon nos informations.En ce qui concerne l’identité de ceux-ci, Mario De Tilly entretient toujours le mystère, et ce, même si la Ville de Saint-Hyacinthe a confirmé au cours de l’été que le Centre de développement pharmaceutique accueillera entre autres Sterinova, une nouvelle entreprise portée par les dirigeants de la société maskoutaine Galenova.Le bâtiment d’une superficie de 67 000 pieds carrés, répartis sur deux étages, devrait être terminé d’ici un an, mais le processus d’accréditation auprès de Santé Canada et de la Food and Drug Administration (USA) pourrait s’étirer sur 24 mois.

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