29 août 2019 - 13:59
Forum
Pour que l’information résiste au tsunami GAFA
Par: Le Courrier
La commission parlementaire sur l’avenir des médias d’information, qui a débuté lundi et qui se déroulera toute la semaine, tombe à point.

Déjà, Groupe Capitales Médias, entreprise de presse ayant repris les six quotidiens régionaux de Gesca en 2015, est au bord du gouffre. Une aide d’urgence de cinq millions lui a été octroyée en catastrophe la semaine dernière afin que ses activités puissent se poursuivre jusqu’en décembre, date-butoir à laquelle une réorganisation en profondeur devra être en marche.

Plusieurs citoyens s’insurgent de voir l’État venir à la rescousse d’une entreprise privée, d’autant plus qu’il lui avait accordé un prêt de 10 millions de dollars il y a à peine deux ans. Il existe malheureusement une perception voulant que les artisans de ces journaux aient attendu l’hécatombe les bras croisés : mais c’est loin d’être le cas.

Près d’une centaine d’emplois ont disparu en quatre ans, par départs volontaires ou retraites, sans compter plusieurs concessions sur les conditions de travail, notamment en ce qui a trait aux salaires et aux fonds de pension. Des services dédoublés dans plus d’un média ont été concentrés en un seul endroit; tout a été revu de fond en comble pour dégager une manœuvre financière qui n’aura malheureusement pas été suffisante pour éviter le tsunami.

Un tsunami, oui, car s’il était question de Groupe Capitales Médias récemment, d’autres entreprises de presse sont aux prises avec le même problème, soit un exode marqué et accéléré des revenus publicitaires vers les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon et cie), alors que les coûts de production sont en hausse. Mathématiquement parlant, sans entrée d’argent pour compenser les dépenses de production, aucune entreprise ne saurait être rentable. Dans le cas des médias d’information, cela est d’autant plus mis en relief qu’il s’agit là d’entreprises mercantiles ayant une mission d’intérêt public, ou plutôt dont le produit est par sa nature un bien public.

Pensons-y : même si on s’informe sur Facebook, les contenus d’actualité et de qualité qui y sont véhiculés sont produits par des journalistes œuvrant dans des médias québécois. C’est grâce à cette information que les citoyens sont en mesure de savoir ce qui se déroule dans les hôtels de ville et dans les communautés. Ce savoir est lui-même moteur d’indignation, de contentement ou de solidarité, pour ne nommer que ceux-là, et incite à l’action. Nous sommes de meilleurs citoyens quand nous nous informons.

Ce faisant, cette information bénéficie à toute la population. Il est donc logique que celle-ci contribue à sa survie.

Autrement, la province, avec peut-être l’exception de Montréal, est à risque de devenir un immense désert médiatique d’ici quelques années. Et là, des décisions seront prises par des élus dans l’impunité, des initiatives porteuses passeront sous silence, des injustices ne seront pas dénoncées.

La commission parlementaire, à laquelle j’ai eu le privilège de participer, ce lundi, servira de guide aux élus de l’Assemblée nationale afin de mettre en place des mesures qui devraient assurer, en partie seulement, la pérennité de l’information québécoise.

On ne peut que s’en réjouir.

Marie-Ève Martel, Saint-Hyacinthe, journaliste à La Voix de l’Est

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