19 janvier 2017 - 00:00
Appel d’offres « dirigé » en biométhanisation
Saint-Hyacinthe semoncée par Québec
Par: Benoit Lapierre
Le commissaire aux plaintes a soulevé des doutes quant à la légalité de l’appel d’offres qui a mené à l’octroi d’un contrat de 26 M$ à l’entreprise Filtrum, en août 2015. Photothèque | Le Courrier ©

Le commissaire aux plaintes a soulevé des doutes quant à la légalité de l’appel d’offres qui a mené à l’octroi d’un contrat de 26 M$ à l’entreprise Filtrum, en août 2015. Photothèque | Le Courrier ©

Le commissaire aux plaintes a soulevé des doutes quant à la légalité de l’appel d’offres qui a mené à l’octroi d’un contrat de 26 M$ à l’entreprise Filtrum, en août 2015. Photothèque | Le Courrier ©

Le commissaire aux plaintes a soulevé des doutes quant à la légalité de l’appel d’offres qui a mené à l’octroi d’un contrat de 26 M$ à l’entreprise Filtrum, en août 2015. Photothèque | Le Courrier ©

Le commissaire aux plaintes du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT), Richard Villeneuve, n’endosse pas la façon dont la Ville de Saint-Hyacinthe s’y est prise pour accorder un contrat de 26,2 M$ à la firme Filtrum en août 2015, dans le cadre du projet de biométhanisation des matières organiques, phase II.


Au terme de l’examen d’une plainte logée contre Saint-Hyacinthe, il conclut que la Ville pourrait avoir contourné les règles d’adjudication des contrats municipaux en obligeant les soumissionnaires potentiels à acheter des équipements de marque LIPP auprès d’unfournisseur déterminé, Dominion & Grimm Environnement inc. (DGEI), et à un prix déterminé de 11,1 M$. La Ville avait inséré la soumission obtenue de DGEI dans le document d’appel d’offres.

« Seul un tribunal pourrait statuer sur la validité des dispositions prévues au devis d’appel d’offres 2015-09-3G relativement à l’acquisition d’équipements de marque LIPP et sur le caractère dirigé de cet appel d’offres en faveur de DGEI, dépositaire de cette technologie », conclut le commissaire Villeneuve dans la lettre qu’il a transmise à la Ville le 16 décembre.

Ce dernier reconnaît que la Ville peut définir ses besoins en matière d’équipement et que la loi lui permet d’exiger des qualifications particulières en fonction de ses besoins, « pourvu que cette exigence soit basée sur des critères objectifs et respecte la saine concurrence ».

« Le Ministère ne remet donc pas en question le choix d’une technologie au détriment des autres, mais le refus de la Ville de considérer d’autres solutions possibles qu’auraient pu apporter des soumissionnaires éventuels. Aussi, la Ville aurait dû, dans son appel d’offres, mentionner la liste des équipements de marque LIPP dont elle avait besoin tout en laissant aux soumissionnaires la liberté de négocier avec le ou les fournisseurs de cette technologie ou en leur permettant de présenter des propositions de systèmes équivalents », affirme-t-il.

Le contrat de 26 M$ octroyé à Filtrum l’avait été au terme d’un deuxième appel d’offres. Il concernait l’achat et l’installation d’autres digesteurs et réservoirs divers à la station d’épuration, de même que des travaux d’agrandissement. Après le premier appel d’offres, le conseil municipal avait rejeté les deux soumissions reçues le 15 juin 2015 en raison d’un dépassement budgétaire d’environ 4,2 M$. La plus basse soumission, au montant de 27,2 M$, était celle de Deric Construction, de Québec, qui avait devancé Filtrum (prix de 27,5 M$). Au deuxième appel d’offres, Deric Construction s’était classé troisième avec un prix de 28,3 M$. 

Sans résolution du conseil

Lundi, au point de presse qui a suivi la séance du conseil, le directeur général, Louis Bilodeau, a d’abord répété ce qu’il avait déjà expliqué au quotidien La Presse, c’est-à-dire que le deuxième appel d’offres avait permis à la Ville d’économiser environ 2 M$. « La deuxième fois, nous avions choisi d’inclure des travaux d’agrandissement estimés à 1 059 000 $. Assurément, nous avons dégagé une économie d’environ 2,1 M$ », a-t-il soutenu.

En ce qui a trait au processus d’octroi du contrat, il estime que la Ville a agi correctement, quoique de manière inhabituelle. « Quant à savoir si ce qu’on a fait est illégal, nous avons la prétention de répondre non. Nous avons d’ailleurs l’intention de demander une révision (de l’avis du commissaire aux plaintes), par résolution du conseil », a-t-il plaidé.

Dans cette affaire, un élément n’a pas retenu l’attention du commissaire, et c’est l’accord conclu avec DGEI pour que sa soumission de 11,1 M$ concernant la fourniture d’équipements de technologie allemande soit intégrée au document d’appel d’offres. Louis Bilodeau a reconnu que c’est lui-même qui a signé l’accord avec DGEI, sans y avoir été autorisé par une résolution du conseil. « Mais le conseil a toujours été tenu au courant. L’engagement contractuel était avec l’entrepreneur général, pas avec DGEI. Mais est-ce qu’on ferait ça tous les jours? La réponse est non », a-t-il conclu.

Toujours dans le cadre de la phase II du projet de biométhanisation, Filtrum a obtenu un deuxième contrat de la Ville en juillet 2016, cette fois pour la fourniture et l’installation des équipements nécessaires à la transformation du biogaz en biométhane, en vue d’une production de gaz naturel qui pourrait atteindre 16 millions de mètres cubes par an, estime la Ville. 

Voilà qui porte à 40,8 M$ ce que Filtrum a obtenu en contrats de la Ville de Saint-Hyacinthe dans le cadre de son projet globalement estimé à 85,2 M$ et subventionné par les deux gouvernements à hauteur de 53,56 M$, dont 42,16 M$ par Québec.

Grâce, entre autres, à ses ventes à Gaz Métro, la Ville croit pouvoir réaliser des profits nets de 5 M$ par année d’ici 10 ans, une fois amorti son propre investissement, de l’ordre de 31,7 M$. 

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