22 septembre 2011 - 00:00
Sébastien Lalime est accusé du meurtre de son frère
Tragédie grecque au Palais de justice
Par: Le Courrier
Le procès de Sébastien Lalime, 24 ans, accusé du meurtre au premier degré de son frère aîné Jonathan, qui souffrait de schizophrénie, est le théâtre ces derniers jours d'un récit familial digne des plus sordides tragédies grecques.

Le procès s’est ouvert le 13 septembre devant le juge de la Cour supérieure Claude Chamberland et les douze membres du jury qui devront déterminer si Sébastien Lalime avait prémédité le meurtre de son frère le 7 mai 2009.

L’accusé s’était livré à la police en février 2010. Il avait indiqué aux enquêteurs avoir donné un coup de couteau à son frère et avoir enterré son corps dans un boisé de Saint-Théodore-d’Acton, à quelques kilomètres de la maison de son père.Dans la vidéo de l’interrogatoire, mise en preuve par la Couronne, Sébastien Lalime avoue avoir commis l’irréparable à cause « de tout le mal que Jonathan avait fait ». Le mal en question n’est pas demeuré tabou bien longtemps. Défilant les uns après les autres à la barre, les témoins de la Défense, tous des proches parents des deux frères, ont dépeint un portrait monstrueux de Jonathan Lalime, un homme violent et épeurant en raison de sa maladie, ont-ils dit. Dans un témoignage troublant, la mère du meurtrier et de la victime, frêle et affaiblie, est venue raconter comment elle avait été violée à deux reprises par son fils Jonathan, qui l’aurait aussi battue et menacée à répétition.« J’avais peur qu’il finisse par me tuer », a-t-elle déclaré. Ce sont d’ailleurs les comportements violents de Jonathan à l’endroit de sa mère qui seraient à l’origine d’une querelle entre les deux frères, juste avant le drame. Or, le récit livré par l’accusé devant le jury ne concorde pas parfaitement avec celui qu’il avait fourni aux enquêteurs de la Sûreté du Québec lors de son arrestation. L’avocate de la Couronne, Me Marie-Claude Morin, a mis en lumière une série de contradictions qui permet, selon elle, de croire que le jeune homme a changé sa version des faits en vue de prouver qu’il n’avait pas prémédité son geste.L’accusé aurait par ailleurs déjà menacé de mort son frère Jonathan avant le drame, selon la bande vidéo, « mais c’était juste pour lui faire peur », a-t-il précisé devant le jury.

Le « système »

Au-delà de l’important débat judiciaire au coeur du procès, les témoignages troublants de la famille Lalime soulèvent une série de questions quant à la prise en charge des personnes atteintes de maladies mentales. Chacun à leur façon, les proches des deux frères ont raconté comment leur famille était désemparée et laissée à elle-même face à la maladie mentale de Jonathan.

Son père, Serge Lalime, a raconté qu’ils s’étaient présentés à au moins 50 reprises dans les écoles qu’a fréquentées Jonathan pour répondre de son mauvais comportemement. Depuis l’âge de 8 ans, lorsqu’il avait mis le feu à un cabanon, son fils avait eu de nombreux démêlés avec la justice. « J’ai tout fait pour essayer de l’aider. On a cogné plusieurs fois à toutes les portes. C’était écrit dans le ciel que quelque chose allait arriver, a-t-il témoigné. En dernier, j’aimais mieux ne pas voir Jonathan chez nous. J’avais peur qu’il tue mes enfants. »« C’est comme ça que ça marche, notre système. Quand ce n’est pas le malade mental qui finit par tuer quelqu’un, c’est un policier qui finit par tirer le malade. »Les parents de Jonathan avaient eux-mêmes réclamé et obtenu à trois reprises, depuis 2004, des ordonnances du Tribunal pour que leur fils soit hospitalisé de force et soigné. Sa mère a pour sa part appelé les policiers à des dizaines de reprises lorsque son fils habitait avec elle. Lors de ses colères répétées, Jonathan frappait dans les murs, brisait des meubles et des objets, parfois à grands coups de barre de fer, et la battait. « Je me souviens d’une fois où je pleurais. Je criais aux policiers d’amener mon gars à l’hôpital pour se faire soigner. Ils m’ont répondu que si je n’arrêtais pas de les appeler, c’est moi qu’ils allaient amener à l’hôpital la prochaine fois, a-t-elle raconté au jury. J’aurais été plus en sécurité là-bas. » Le procès de Sébastien Lalime reprend aujourd’hui, jeudi, au Palais de justice de Saint-Hyacinthe avec les témoignages de deux psychiatres. Le réputé Dr Pierre Mailloux agira pour la Défense, alors que Dre Stéphanie Borduas-Pagé sera appelée à la barre par la Couronne. -30-

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