11 juillet 2013 - 00:00
Conflit de travail à l'Hôtel des Seigneurs
Une ligne de piquetage sous haute tension
Par: Jean-Luc Lorry

La tension serait maintenant à son comble sur la ligne de piquetage tenue par les employés syndiqués CSN de l'Hôtel des Seigneurs de Saint-Hyacinthe, en grève depuis neuf mois.

Des travailleurs syndiqués qui ont préféré conserver l’anonymat dénoncent « une dictature du syndicat sur le trottoir ».

« Nous ne payons pas nos cotisations syndicales pour nous voir traiter comme des esclaves », ragent les employés que nous avons rencontrés. Selon eux, il est proscrit de donner son opinion personnelle sur la ligne de piquetage ainsi que d’adresser la parole aux cadres de l’hôtel.« Certains subissent de l’intimidation d’une chef de ligne, ce qui crée beaucoup de colère et de frustration. Notre seul recours serait d’intervenir auprès de la direction de la CSN à Montréal. Mais c’est sans espoir », considère un gréviste qui s’est confié au COURRIER.Au total, cinq chefs de ligne supervisent le piquetage. Cette tâche est assurée par les délégués syndicaux représentant chaque département du complexe hôtelier. « Nous sommes à la veille d’en venir aux coups entre employés. L’explosion est proche », observe avec inquiétude l’un des travailleurs. Depuis le déclenchement de cette grève illimitée fin octobre, l’unité entre les employés semble s’être égrainée au fil des mois. « Au début du conflit, une dizaine d’employés contestaient le mandat de grève alors qu’aujourd’hui c’est presque 50 % des grévistes. »Du côté syndical, on assure au contraire que la solidarité entre les employés demeure inébranlable. « Le conflit va super bien. Les gens sont ultra mobilisés lors de nos assemblées. Sur la ligne de piquetage, le monde a du fun », estime Pierre Harnois, membre du comité de négociation (CSN) qui représente les employés syndiqués.Celui-ci n’exclut pas quelques frictions au sein des rangs. « Ce sont des tensions qui n’ont aucun rapport avec le conflit et le syndicat. Où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. Il y a une dizaine de personnes, toujours les mêmes, qui sont récalcitrantes face aux règles et qui veulent la chèvre et le chou », indique M. Harnois.

Chèques retenus

Chaque semaine, les employés reçoivent un montant de 240 $ du Fonds de grève et une somme de 100 $ aux 15 jours du Fonds de lutte.

Ces rémunérations sont remises lors des assemblées générales hebdomadaires organisées par le bureau local de la CSN.« Certains employés se sont fait retenir plusieurs chèques parce qu’ils ne respectaient pas les règles dictées par la CSN », mentionne un employé fermement opposé à de telles méthodes. Interrogé sur le sujet, Pierre Harnois confirme que des chèques ont effectivement étaient retenus par le syndicat. « Les employés ont 16 heures de piquetage à faire par semaine. S’ils ne les font pas, ils ne peuvent pas recevoir leur chèque. Certains ne font pas les heures demandées parce qu’ils ont trouvé un travail ailleurs », estime M. Harnois.Pour compléter leurs modestes revenus, des 140 employés syndiqués, environ 80 auraient décroché un emploi à temps partiel dans une autre entreprise.

Vente de l’hôtel

Autant les travailleurs que le syndicat ont hâte que ce long conflit se termine.

La dernière rencontre de négociation remonte au 23 mars et aucune autre date ne figure à l’agenda. « Je ne pense pas qu’il se passe grand-chose cet été. J’espère que nous allons rencontrer la partie patronale cet automne et qu’un acheteur du milieu hôtelier sera en lice. C’est le scénario que je souhaite le plus. Les employés sont prêts à retourner travailler », mentionne Pierre Harnois.En plus de l’Hôtel des Seigneurs mis en vente en mars, son propriétaire Silver Birch souhaite se départir du Hilton Bonaventure de Montréal ainsi que l’Hôtel Tadoussac.La vente récente de l’hôtel Delta Centre-Ville à Montréal n’inquiète pas outre mesure M. Harnois. « Nous avons hâte que Silver Birch vende son hôtel. Le futur employeur a la garantie d’avoir du personnel compétent pour repartir la machine », termine-t-il.

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